Dans l’anémie de Fanconi

Des cellules humaines corrigées et reprogrammées

Publié le 01/06/2009
Article réservé aux abonnés

De notre correspondante

« NOTRE ESPOIR a toujours été d’être un jour capables de corriger génétiquement une maladie puis de produire des cellules iPS qui se différencient dans le type de tissu que touche la maladie et, enfin, d'introduire cela en clinique » explique le Pr Juan-Carlos Izpisúa Belmonte (Barcelone et La Jolla, États-Unis). Alors que plusieurs études ont démontré l'efficacité de l'approche chez la souris, sa faisabilité chez l'homme n'avait pas été établie. Cette étude apporte la première preuve du succès de cette approche sur des cellules humaines.

L'équipe du Pr Belmonte, en collaboration avec le Pr Inder Velma (La Jolla), des chercheurs espagnols et italiens, a décidé de se concentrer sur l'anémie de Fanconi, le plus fréquent des syndromes d'insuffisance médullaire héréditaires.

Cette maladie génétique rare, causée par la mutation de l'un des 13 gènes impliqués, entraîne une instabilité chromosomique. Le diagnostic n'est souvent fait qu'au stade d'apparition de l'insuffisance médullaire (première décennie de la vie). Certains patients sont prédisposés à l’apparition de cancers. Le seul traitement repose sur la greffe de moelle, qui corrige les problèmes hématopoïétiques mais pas le risque de cancer. Les essais de thérapie génique chez les patients n'ont pas obtenu de succès.

Raya, Belmonte et coll. ont obtenu des cellules cutanées (fibroblastes, ou même kératinocytes épidermiques) de six patients atteints d'anémie de Fanconi. Dans trois cas, après correction de l’anomalie génétique par thérapie génique, elles ont pu être reprogrammées avec succès vers la pluripotence pour obtenir des cellules iPS spécifiques de chaque patient. Elles apparaissent identiques aux cellules souches embryonnaires humaines, ainsi qu'aux cellules iPS des individus sains.

Des cellules souches hématopoïétiques normales.

Plus important, l’équipe montre que ces cellules spécifiques peuvent se différencier et donner naissance à des cellules souches hématopoïétiques myéloïdes et érythroïdes normales. Puisque l'insuffisance médullaire représente la principale manifestation de cette anémie, ce grand nombre de cellules souches pourrait être utilisé pour traiter les patients.

« Nous n'avons pas guéri un patient, mais nous avons guéri une cellule » explique le Pr Belmonte. Il reste encore des obstacles avant une application clinique. En effet, le protocole de reprogrammation des cellules cutanées a utilisé le transfert rétroviral de 4 gènes (OCT4, SOX2, KLF4, et c-MYC), ce qui expose au risque de développement tumoral dû au proto-oncogène c-MYC et à l'intégration rétrovirale.

Il est, certes, possible de générer des cellules iPS sans le facteur c-MYC, mais avec une plus faible efficacité, incompatible avec l'application clinique. L'utilisation d'un rétrovirus comme vecteur est également problématique. Elle expose au risque de mutagenèse tumorale. Récemment, des protocoles de reprogrammation sans intégration virale ont été développés, leur efficacité chez l'homme doit être confirmée.

Dans les mois à venir, les chercheurs s'attacheront donc à surmonter ces obstacles. « Si nous pouvons démontrer le succès d'une approche combinée thérapie génique-iPS chez l'homme, il n'y aura plus de limite à ce que nous pouvons faire », conclut le Pr Velma.

Nature 21 mai 2009, Raya et coll., DOI: 10.1038/nature08129.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr