LA SANTE EN LIBRAIRIE - Vivre cent ou deux cents ans

Et si cela était possible ?

Publié le 21/06/2011
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UNE TRANSFORMATION du génome en guise d’élixir de jouvence : c’est possible dans un avenir assez proche, affirme sans détour le professeur de biologie moléculaire, membre de l’Académie des sciences, lauréat cette année du prix FEMS* André Lwoff pour ses travaux sur les mécanismes moléculaires de réparation de l’ADN et, plus particulièrement, pour sa découverte de la bactérie Deinoccocus radiodurans, capable de ressusciter en quelques heures en réparant et réorganisant son matériel génétique. Pour peu que l’on s’en donne les moyens et que les chercheurs acceptent l’inattendu ! Nous cherchons depuis longtemps à repousser les limites de nos « capacités » biologiques, au point que nous avons doublé notre espérance de vie en cinquante ans et que nous continuons, dans les pays riches, à l’allonger de six heures par jour environ, explique le chercheur. Pourquoi, dès lors, refuser de protéger encore plus efficacement notre machinerie fonctionnelle cellulaire contre les dégâts qui limitent cette espérance de vie grâce aux techniques moléculaires et ainsi, pouvoir vivre, cent ou deux cents ans en bonne santé, écrit-il.

La bactérie du « corned-beef »

Dans les années 1960, une curieuse et indestructible bactérie, Deinoccocus radiodurans, est découverte dans des conserves de viande (« corned beef ») ayant résisté à une intense soumission à des rayons gamma dans un but de stérilisation. L’équipe de Miroslav Radman se consacre alors au décryptage du secret de cette immortalité bactérienne : la capacité de s’autoréparer à partir de « protéines mécanos » pourvues de propriétés antioxydantes phénoménales. D’où l’idée de transférer dans le génome humain ce fantastique pouvoir de réparation, de lutte contre la corrosion de l’organisme, lui conférant ainsi l’immortalité et une santé à toute épreuve. En transformant notre génome pour pallier la dégradation de notre patrimoine génétique, conséquence inévitable de la réduction de la sélection naturelle, nous pourrions ainsi nous libérer de l’esclavage de nos gènes de primates. On s’en doute, le chercheur se heurte à quelques sceptiques… Mais poursuit avec énergie sa quête en bousculant avec autant d’assiduité que de plaisir les idées reçues. En vivant beaucoup plus longtemps et en très bonne santé, « ne va-t-on pas devenir encore plus crétin ? S’il n’y a pas un choc, une prise de conscience, une réflexion sur toutes les autres alternatives possibles, on peut le redouter », note ce scientifique – athée d’origine croate, fils de pêcheur communiste, petit-fils de paysanne catholique, dont la femme est d’origine serbe –, qui a résisté, dit-il, à toute forme d’embrigadement, même aux pires moments de la guerre dans les années 1990.

Miroslav Radman (avec Daniel Carton), « Au-delà de nos limites biologiques », Plon, 160 p., 18,90 euros.

* Fédération européenne des sociétés de microbiologie.

Dr CAROLINE MARTINEAU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8986