Polykystose rénale autosomique dominante

La longue route vers un traitement efficace

Publié le 21/04/2011
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Crédit photo : PHANIE

« LA polykystose rénale autosomique dominante (PKD) est une affection fréquente -sa prévalence est estimée à 1/1000, très facile à identifier par échographie dans un contexte familial suggestif, mais pour laquelle nous restons significativement démunis pour éviter la croissance des kystes et l’évolution vers l’insuffisance rénale », souligne le Pr Dominique Chauveau.

Malgré la découverte des deux gènes responsables de la PKD, identifiés il y a une quinzaine d’années (PKD1, situé sur le chromosome 16 et PKD2, situé sur le chromosome 4), les progrès dans la compréhension de la physiopathologie de la maladie ont été lents et laborieux.

Il est établi que les produits de ces deux gènes, les polycystines 1 et 2, agissent en amont de multiples voies de signalisation pour partie largement communes.

La mise au jour de ces polycystines a permis de « redécouvrir » le cil primaire et ses fonctions à la surface des cellules tubulaires rénales et de mieux identifier les voies de signalisation intracellulaires en aval. Ces progrès dans la connaissance de la physiopathologie de la maladie, ainsi que les travaux sur des modèles expérimentaux, ont permis d’explorer de nouvelles voies thérapeutiques, notamment celle de l’inhibition de mTOR. En effet, le défaut de production de l’une ou l’autre polycystine liée à la mutation du gène PKD1 ou PKD2 responsable de la maladie familiale aboutit à une activation excessive de la voie mTOR, impliquée dans la prolifération des cellules bordant les kystes. Il était donc tentant d’évaluer en premier lieu l’effet des inhibiteurs de mTOR, déjà utilisés en transplantation rénale et dont le profil de tolérance clinique, bien cerné, n’était pas défavorable. Des premiers travaux sur des modèles expérimentaux avaient mis en évidence un effet intéressant, que ces inhibiteurs soient utilisés très tôt ou plus tardivement, dans l’évolution de la maladie polykystique chez le rat. « C’est dans ce contexte que deux essais cliniques (1,2) ont été réalisés chez des patients ayant une fonction rénale normale ou modérément altérée, dont l’objectif primaire était la réduction de la vitesse de croissance du volume rénal, et l’un des critères secondaires l’évolution du débit de filtration glomérulaire. Essais dont les résultats, publiés l’été dernier, étaient négatifs », précise le Pr Chauveau.

La première étude a comparé en double aveugle l’évérolimus à un placebo chez 433 patients suivis pendant deux ans.

Dans la seconde, 100 patients ont été tirés au sort pour recevoir du sirolimus ou un traitement standard, et ce pendant dix-huit mois. Dans l’un et l’autre cas, l’inhibition de mTOR n’a pas permis de réduire la croissance des kystes.

« Ces résultats négatifs ont bien sûr jeté un froid dans la communauté néphrologique, d’autant que les deux molécules testées étaient proches et que leur tolérance s’est montrée en phase avec ce qui était attendu, les effets indésirables étant fréquents, mais acceptables », rappelle le Pr Chauveau.

Autres pistes thérapeutiques.

D’autres voies thérapeutiques sont en cours d’exploration. L’essai clinique le plus avancé évalue un antagoniste des récepteurs V2 de l’hormone antidiurétique (ADH) : le tolvaptan. Cet essai devrait se poursuivre jusqu’à la fin 2011 ou le début 2012, et ses résultats seront connus 6-9 mois plus tard. Toutefois, les observations faites sur des volontaires sains ont permis de montrer la bonne tolérance de ce traitement, dont le seul effet secondaire notable est la polyurie, qui est dose-dépendante et considérée comme acceptable par la majorité des volontaires traités. Du fait de sa spécificité, le tolvaptan a peu d’effets extrarénaux.

D’autres molécules, inhibant des voies de signalisation en aval des polycystines font, ou devraient, très prochainement, faire l’objet d’évaluations cliniques. Bien que les données expérimentales soient encourageantes, ces molécules sont moins spécifiques que le tolvaptan, ce qui expose au risque de survenue d’effets indésirables plus nombreux et plus sévères. Il sera difficile d’être certain de la balance avantage (rénal)/inconvénient (extrarénal) sans un suivi notoirement prolongé (5 à 10 ans, voire davantage) de produits comme les inhibiteurs de tyrosine kinase.

Un espoir devenu réalité dans la polykystose hépatique massive.

Dans la bataille contre les kystes, il faut souligner les résultats positifs obtenus avec deux analogues de la somatostatine dans deux essais cliniques menés dans la polykystose hépatique. La croissance des kystes, dans le rein comme dans le foie, est caractérisée par une prolifération cellulaire, un défaut d’apoptose et la sécrétion d’un fluide kystique. Cette dernière est favorisée par la délocalisation de transporteurs et l’hyperexpression de facteurs de croissance. La somatostatine et ses analogues sont capables de bloquer les récepteurs spécifiques V2, V3 et V5 et de réduire les sécrétions biliaires et intrakystiques dans le foie.

Les études, toutes deux randomisées, contrôlées en double aveugle, ont évalué l’une le lanréotide pendant six mois (3), l’autre l’octréotide pendant douze mois (4). Elles ont mis en évidence la capacité de ces molécules à réduire le volume hépatique, respectivement de 2,9 % et d’environ 5 % chez les patients recevant le principe actif, alors que le volume du foie augmentait de 1 à 32 % dans le groupe placebo ; et à diminuer la gêne fonctionnelle chez des patients handicapés par une polykystose hépatique massive, mais dont la fonction rénale était normale ou modérément altérée. Des questions restent ouvertes, concernant notamment la persistance de l’effet à plus long terme, ou la posologie optimale. Ces médicaments n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché dans cette indication, mais des démarches en ce sens sont susceptibles d’être entreprises.

« Le chemin risque d’être long et lent avant qu’un traitement durable puisse être proposé, mais les données acquises dans le foie laissent espérer que les tentatives thérapeutiques menées dans la maladie polykystique rénale puissent être un jour favorables », conclut le Pr Dominique Chauveau.

D’après un entretien avec le Pr Dominique Chauveau, service de néphrologie et immunologie clinique, CHU Rangueil, Toulouse.

(1) Walz G et al. Everolimus in Patients with Autosomal Dominant Polycystic Kidney Disease. N Engl J Med. 2010 Aug 26;363(9):830-40. Epub 2010 Jun 26.NEJMoa1003491.

(2) Serra AL et al. Sirolimus and Kidney Growth in Autosomal Dominant Polycystic Kidney Disease. N Engl J Med. 2010 Aug 26;363(9):820-9. Epub 2010 Jun 26. NEJMoa0907419.

(3) van Keimpema L, et al. Lanreotide reduces the volume of polycystic liver: a randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Gastroenterology 2009 Nov;137(5),Issue 5:661-8.e1-2. Epub 2009 Jul 29.

(4) Hogan MC et al. Randomized Clinical Trial of Long-Acting Somatostatin for Autosomal Dominant Polycystic Kidney and Liver Disease. J Am Soc Nephrol. 2010 Jun;21(6):1052-61. Epub 2010 Apr 29. ASN.2009121291

 Dr ISABELLE HOPPENOT

Source : Bilan spécialistes