Une validation des pratiques françaises

Le génotypage augmente la survie dans les cancers du poumon

Publié le 18/01/2016
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Une anomalie génétique est retrouvée dans 50 % des cas

Une anomalie génétique est retrouvée dans 50 % des cas
Crédit photo : PHANIE

« La France est un modèle unique au monde dans la prise en charge du cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) », estime le Pr Fabrice Barlesi, oncologue à Marseille (AP-HM) et premier auteur d’une étude à l’échelle nationale sur le génotypage systématique, soutenue par l’Institut National du Cancer (INCa) et coordonnée par l’Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique (IFCT).

Cette étude exceptionnelle menée sur un an (avril 2012-avril 2013) chez 17 664 patients et publiée dans le « Lancet » valide les pratiques françaises. « Le génotypage systématique est recommandé depuis 2006 dans les CBNPC, explique le Pr Barlesi. En France, n’importe quel patient a accès au génotypage n’importe où en France. Ce n’est pas le cas ni aux États-Unis, où cela dépend des assurances privées, ni en Allemagne, qui fonctionne par région avec 40 % de patients bénéficiaires. Est-ce que cette technologie modifie profondément les choses ? Notre étude répond que oui. Les adaptations de stratégies thérapeutiques améliorent la survie, qui passe à 16 mois en cas d’anomalie génétique par rapport à 11 mois en l’absence. Cela correspond à une baisse de 22 % de la mortalité ».

Six mutations testées

Environ 20 000 patients sont atteints de CBNPC par an en France. Le cancer du poumon reste le plus meurtrier à travers le monde. Les CBNPC représentent plus de 85 % des cas avec une survie à 5 ans de 16 %. Des mutations ont été identifiées et peuvent être ciblées par des inhibiteurs sélectifs. « À l’époque, un panel de 6 mutations a été testé, détaille le Pr Barlesi. Il s’agit des mutations EGFR, des réarrangements ALK et des mutations HER2, KRAS, BRAF et PIK3CA. Cette analyse de routine était réalisée dans 28 centres régionaux certifiés en France. Depuis, le standard a changé avec davantage d’anomalies recherchées, comme les réarrangements ROS1 et les mutations MET, et d’autres abandonnées, comme la mutation PIK3CA, qui n’est plus recherchée ».

Dans l’étude, les patients étaient âgés en moyenne de 64,5 ans, à 65 % des hommes et à 81 % des fumeurs ou ex-fumeurs. L’administration du traitement ciblé pouvait être entreprise dans un délai raisonnable puisque les résultats du génotype étaient rendus sous 11 jours en moyenne. Une anomalie génétique était retrouvée dans 50 % des cas, la mutation EGFR était présente dans 11 % (n=1 947/17 706) des cas, les mutations HER2 dans 1 % (n=98/11 723) des cas, KRAS dans 29 % (n=4 894/17 001), BRAF dans 2 %(n=262/13 906) et PIK3CA dans 2 % (n=252/10 678), les réarrangements ALK dans 5 % (n=388/8 134).

Traitement de 1re ligne

Comme l’étude le rapporte, « la présence d’une altération génétique a modifié la première ligne de traitement pour 4 176 (51 %) des 8 147 patients ». Ce qui s’est traduit par une amélioration de la survie sans progression à la première ligne de traitement, 10 mois en cas d’anomalie génétique versus 7 mois en l’absence d’anomalie. De même, la survie globale qui était de 11 mois en l’absence d’anomalie passait à 16,5 mois en présence de l’une d’elles.

« Ces résultats valident les recommandations mais aussi les investissements réalisés », poursuit l’oncologue marseillais. Une nouvelle génération de génotypage sur 15 à 40 gènes est en train de s’implanter pour les CBNPC, avec un accès en routine programmé pour 2017. « Dans le domaine de la santé très challengé, ces résultats sont des arguments de poids pour continuer dans la cancérologie et en particulier dans la cancérologie thoracique », conclut-il.

The Lancet, publié en ligne le 14 janvier 2016

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du Médecin: 9463