Maladie de Parkinson et génétique

Les mutations du gène EIF4G1

Publié le 07/06/2012
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Crédit photo : PHANIE

PAR LE Pr ALAIN DESTÉE*

LE PROJET « Parkinson familial Nord », initié en 1993, a pour objectif d’identifier avec l’aide de tous les neurologues de la région Nord-Pas-de-Calais tous les cas familiaux de MP, plus particulièrement ceux concernant de grandes familles. En cela, il est complémentaire du réseau « French Parkinson’s disease genetic group », qui s’intéresse surtout aux « paires de germains ». Dans l’une de nos familles, nous avons pu identifier, en 2004, la duplication du gène normal de l’alpha-synucléine.

En 2012, dans une famille comportant au moins 10 cas connus de MP nous avons démontré que la mutation c.3614G›A (p.Arg1205His) dans l’exon 24 du gène d’EIF4G1 (eukaryotic translation initiation factor 4-gamma 1) est liée à la maladie : présente lors du séquençage chez 3 cousins germains, elle était également retrouvée chez les autres malades apparentés mais absente chez 140 témoins de notre cohorte et 370 témoins nord-américains d’origine nord européenne. Dans un second temps cette mutation a été recherchée chez 4 708 cas de MP collectés par un réseau international, nord-américain (Canada, États-Unis), européen (Italie, Irlande, Pologne) et tunisien ; elle fut mise en évidence chez 9 malades dont 6 présentaient une forme familiale. Elle était en revanche absente chez 4 500 témoins non apparentés d’origine ethnique similaire aux malades. Si dans la famille princeps la MP semblait avoir un début plus tardif et une évolution plus longue et bénigne que la forme classique, les autres cas en étaient plus proches. Le séquençage des 31 exons codants d’EIF4G1 chez 95 cas index présentant une forme de transmission autosomique dominante, dans 130 cas de maladie à corps de Lewy anatomiquement prouvée a permis d’identifier huit autres variations génétiques dont aucune n’était présente chez les 185 témoins appariés.

Certainement pas toutes délétères.

Quatre mutations faux-sens ainsi reconnues ont été alors recherchées chez 4 483 malades et 3 865 témoins appariés pour l’âge, le sexe et l’origine ethnique ; deux d’entre elles ont été retrouvées, exclusivement chez des malades. Les cas porteurs de la mutation c.3614G›A (p.Arg1205His) partagent un haplotype commun ; il en est de même de ceux porteurs de la mutation c.1505C›T (p.A502V) ce qui suggère un effet fondateur. Que la séquence concernée par les mutations mises en cause soit conservée entre les espèces est un argument qui renforce l’hypothèse de leur rôle pathogène. eIF4G1 intervient dans un complexe protéique (comprenant les protéines eIF4E et eIF3e) qui initie la traduction. Les mutations mises en évidence semblent en compromettre le bon déroulement : la mutation d’eIF4G1 p.Arg1205His perturbe la liaison avec eIF3e et la mutation p.Ala502Val d’eIF4G1 perturbe la liaison avec eIF4E. Par ailleurs, les mutations d’eIF4G1 majorent l’altération du potentiel de membrane mitochondriale en situation de stress oxydant, ce qui est cohérent avec ce que nous savons aujourd’hui des mécanismes impliqués dans la mort des neurones dopaminergiques nigrostriés. Les mutations du gène EIF4G1 ne sont certainement pas toutes délétères et leur rôle sur la physiopathologie reste à confirmer comme l’indique une étude récente de l’équipe d’Arianna Tucci. Néanmoins, les analyses de séquençage du génome réalisées par celle de Jeffrey Vance suggèrent qu’il existe davantage de variants rares ayant un rôle délétère potentiel comme ceux retrouvées sur le gène EIF4G1 chez les sujets parkinsoniens que chez les témoins et que ces variants sont des facteurs contribuant au risque de la maladie de Parkinson. Certes ces mutations sont certainement très rares et n’ont, de ce fait, analysées une à une, qu’une importance limitée au plan épidémiologique. Elles ont le mérite cependant d’impliquer pour la première fois le système d’initiation de traduction des ARN en protéines dans le développement d’un syndrome parkinsonien et pourraient aider à relier les formes héréditaires de la MP à celles induites par les facteurs environnementaux dans une voie métabolique convergente.

* Service de neurologie et Pathologie du Mouvement, clinique de neurologie, pôle des neurosciences et de l’appareil locomoteur, hôpital Roger Salengro, CHRU de Lille

Chartier-Harlin MC, et coll. Translation initiator EIF4G1 mutations in familial Parkinson disease. Am J Hum Genet. 2011; 89: 398-406. doi: 10.1016/j.ajhg.2011.08.009.

Tucci A, Charlesworth G, Sheerin UM, Plagnol V, Wood NW, Hardy J. Study of the genetic variability in a Parkinson’s Disease gene: EIF4G1.Neurosci Lett. 2012 Apr 23. [Epub ahead of print].

Vance J, Guney B, Nuytemans K, Beecham G, Edwards Y, Singer C, Nahab F, Ritz B, Zuchner S, Haines J, Scott W. Identification of rare variants in Parkinson disease using next generation sequencing. 64th AAN Annual Meeting April 21- April 28, 2012. New Orleans.


Source : Bilan spécialistes