Maladie de Pompe

L’histoire qui a séduit Hollywood

Publié le 16/03/2010
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Crédit photo : DR

JOHN ET AILEEN Crowley avaient tout pour être heureux, au pays de tous les possibles, quand, en 1998, ils apprirent que leurs deux plus jeunes enfants, alors âgés de 15 et 4 mois étaient atteints de la maladie de Pompe, une myopathie génétique rare causée par un déficit en alpha-glucosidase acide (GAA). Faute de traitement, la pathologie les condamnait à la paralysie et à des problèmes respiratoires pouvant conduire à la mort. Les médecins leur conseillèrent de rentrer à la maison avec leurs enfants et de profiter du temps qu’il leur restait ensemble car il n’y avait plus rien à faire.

Mais John Crowley n’était pas homme à abandonner le combat. À 31 ans, jugeant que la recherche n’allait pas assez vite, il quitta son poste prometteur chez Bristol Myers Squibb pour cofonder, avec le Dr William Canfield et trois autres personnes, une start up biotechnologique toute entière consacrée au développement d’un traitement de la maladie de Pompe, Novazyme Pharmaceuticals. Dans un livre couronné par le prix Pulitzer, la journaliste Geeta Anand évoque ce combat. Il est titré « The Cure » et sous-titré « Comment un père a levé 100 millions de dollars – et bousculé l’establishment médical – dans son combat pour sauver ses enfants ». Une belle histoire qui ne pouvait que séduire Hollywood. Le film « Mesures extraordinaires », signé Tom Vaughan, sort aujourd’hui en France. Brendan Fraser incarne John Craley, qu’il a d’ailleurs rencontré. « C’est le genre d’homme pour qui "non" n’est pas une réponse, témoigne-t-il. Il fait en sorte de changer ce "non" en "peut-être" et le "peut-être" en "oui". » Harrison Ford, qui, pour la première fois depuis « Star Wars : Episode VI », n’a pas son nom tout en haut de l’affiche, joue un chercheur dont le personnage s’inspire de plusieurs scientifiques et médecins qui ont participé à l’aventure.

L’AMM en 2006.

Car, bien sûr, tout n’a pas été aussi linéaire que le film pourrait le faire croire. Et Genzyme, qui a racheté Novazyme Pharmaceuticals en 2001, tient à donner sa version précise du développement de l’enzyme salvatrice, Myozyme. Dès les années 1960, des équipes se sont lancées sur la piste d’un remède, notamment de substitut à l’enzyme GAA défaillante. En 1998, Genzyme se focalise sur quatre pistes, dont trois lancées par d’autres laboratoires ou en collaboration avec eux, comme celle suivie par Novazyme. En 2002, l’enzyme développée en interne paraît la plus prometteuse et les autres pistes sont abandonnées. Les essais cliniques sont lancées en 2003. Des familles vont faire de grands sacrifices pour y participer, certaines devant déménager ou quitter leur ville pendant plusieurs mois. Le recrutement pour la phase III sera terminé en mai 2004. Des résultats positifs sont annoncés en 2005 et, enfin, en 2006, Myozyme reçoit son AMM aux États-Unis et en Europe. Actuellement, plus de 1 000 patients sont traités dans le monde. Les enfants Crowley ont été sauvés mais sont toujours sous respirateur. John Crowley dirige actuellement Amicus Therapeutics, qui développe des molécules chaperones pour le traitement des maladies de surcharge lysosomale et de pathologies neurodégénératives. Avec sa femme, il a créé une fondation familiale qui aide de nombreuses associations.

RENÉE CARTON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8730