Une étude franco-britannique pionnière chez 15 patients

Premiers espoirs de thérapie génique dans la maladie de Parkinson

Publié le 13/01/2014
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SI LE CONCEPT testé sous la direction du Pr Stéphane Palfi (hôpital Henri Mondor) aboutit à un traitement utilisable en thérapeutique humaine, c’est à l’horizon 2020 qu’il pourra entrer dans la pratique. Les spécialistes présentent les premiers résultats chez les humains, entrepris une fois passés les tests chez les animaux de laboratoire dont des primates (les études précliniques ont été publiées en 2009). L’équipe franco-anglaise réunit des compétences d’horizons divers : AP-HP, INSERM, UPEC, CEA/Mircen, Oxford Biomedica, Cambridge University. Les premiers résultats sont publiés dans « The Lancet » (10 janvier 2014).

Dans l’essai de phase I/II, 15 patients ont été inclus. L’essai s’est adressé à des personnes présentant une forme non familiale de maladie de Parkinson (MP), à un stade évolué et dont les problèmes moteurs et les complications résistaient au traitement médicamenteux.

Un lenvitirus a été utilisé pour la première fois, ce vecteur viral offrant la possibilité de faire transfecter trois gènes, ce que ne fait pas le classique AAV (adenoassociated virus) utilisé pour la thérapie génique. Ce lentvirus exprime les gènes de trois enzymes : AAC (décarboxylase des acides aminés aromatiques), TH (tyrosine hydroxylase) et CH1 (GTP-cyclohydrolase 1), indispensables à la biosynthèse de la dopamine.

Le produit a été administré au cours d’une intervention neurochirurgicale lourde, dans la région du striatum.

Essai concluant.

La production de dopamine in vivo, de façon locale et continue, a été restaurée chez les 15 patients. Le suivi sur le long terme a mis en évidence l’innocuité et la tolérance du procédé.

Trois niveaux de doses croissantes ont été testés. L’effet recueilli sé révèle dose-dépendant. « Une fois au bon endroit, les gènes contenus dans le lentivirus peuvent s’exprimer et reprogrammer des cellules qui se mettent à fabriquer et à décréter de la dopamine dans le milieu extracellulaire », expliquent les auteurs.

L’imagerie par IRM TEP met en évidence la reprogrammation des neurones pour produire la dopamine par le vecteur viral.

« Nous avons observé un effet de stabilisation pendant un an, et plus pour certains patients, avec un recul jusqu’à 4 ans pour le patient qui a eu le plus long suivi », indiquent les chercheurs.

Deux types d’effets bénéfiques sont observés : les plus importants portent sur la rigidité et le manque de mouvement ; l’effet sur le tremblement est moins important (demande plus de dopamine), soulignent les auteurs. Le traitement dopaminergique a pu être réduit chez tous les patients.

Agir sur les symptômes.

Toutefois, « cette voie thérapeutique est symptomatique, a précisé le Pr Palfi. Elle ne ralentit pas le cours de la progression de la maladie de Parkinson, qui est appelée à s’aggraver à mesure de la déperdition de la dopamine ». Lorsque l’effet de la thérapie génique s’estompe dans l’étude, les auteurs l’expliquent par la progression de la dégradation des neurones producteurs de dopamine.

Le vecteur viral induisant l’insertion des gènes dans le génome, en théorie la transgénèse doit donc durer longtemps. Mais seule l’expérience et le suivi sur le long terme permettront de le vérifier, précise l’équipe.

Par ailleurs, cette thérapie génique ne s’adresse pas aux signes non moteurs de la MP, qui ne sont pas améliorés. Certains de ces symptômes non moteurs sont liés à la dopamine et d’autres non.

Les prochaines étapes cliniques vont avoir pour objectif de valider une construction virale améliorée permettant d’induire une libération accrue de dopamine (étude de phase 2a). Puis une phase 2b suivra, avec la comparaison de deux groupes de patients : traités et non traités.

Pour les auteurs, « Cette étude pionnière de l’utilisation en thérapie génique d’un lentivirus injecté in situ va certainement ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques dans les maladies du système nerveux ».

The Lancet, 10 janvier 2014, Stéphane Palfi et coll. et éditorial John Stœssl.

Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9292