Polypose adénomateuse familiale

Rôle des bactéries intestinales dans la cancérisation

Publié le 12/05/2010
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Crédit photo : BSIP

UN TRAVAIL mené sur la souris, aux États-Unis, ouvre une voie de prévention de la dégénérescence cancéreuse des polypes au cours de la polypose adénomateuse familiale. Eyal Raz (San Diego) et son équipe ont mis en évidence chez les rongeurs le rôle des bactéries intestinales dans la cancérisation. Ils ont également pu inhiber leur action en utilisant une molécule déjà testée chez l’humain (dans d’autres pathologies) : une enzyme, ERK, pour Extracellular signal Related kinase. Cette molécule semble jusqu’à présent bien tolérée chez l’homme.

L’équipe a utilisé un modèle murin de la polypose adénomateuse familiale. Ces animaux sont hétérozygotes pour le gène suppresseur de tumeur Apc. Ils déclarent des néoplasies intestinales multiples à la suite de la perte d’un allèle de ce gène dans certaines cellules épithéliales intestinales. Ils meurent généralement avant l’âge de 6 mois. Ces rongeurs, comme tous les mammifères, ont un tractus intestinal constamment exposé à des bactéries commensales et à leurs produits inflammatoires. Divers récepteurs, dont les TLR (toll-like receptors) se montrent, face à ces microbes, indispensables à l’homéostasie du système. Leur liaison avec leurs ligands au niveau de la muqueuse provoque la production de facteurs d’inflammation, d’angiogénèse ou de croissance impliqués dans la différenciation et la prolifération cellulaires.

Des travaux antérieurs ont montré que l’un de ces récepteurs TLR, dédié à la microflore MyD88, régule le développement de tumeurs chez les souris privées d’un allèle du gène Apc. Mais ce constat n’avait pas été expliqué jusqu’à présent.

c-Myc est indispensable à la tumorogenèse.

L’équipe américaine, en collaboration avec des Coréens, a montré, chez les souris, que le signal extracellulaire lié à une kinase (ERK) de la microflore MyD88 favorise la tumorogenèse dans les cellules épithéliales intestinales en augmentant la stabilité d’une oncoprotéine, c-Myc. L’activation de l’ERK crée une phosphorylation de c-Myc empêchant sa dégradation et c-Myc est indispensable à la tumorogenèse médiée par le gène Apc.

Les chercheurs ont montré que la délétion du gène c-Myc dans les cellules intestinales des souris hétérozygotes pour le gène Apc conduit à l’inhibition de la tumorogenèse. Ils ont déterminé par la suite que l’activation de l’ERK dépendant de My-D88 est essentielle à la croissance tumorale intestinale chez les souris privées d’un gène Apc. Cette activation à lieu via la stabilisation de la protéine cMyc. L’équipe a alors testé un inhibiteur de l’ERK, il a bloqué la tumorogenèse intestinale et accru la survie des souris. Ce qui laisse augurer qu’un traitement par un inhibiteur d’ERK dans les cellules intestinales pourrait prévenir la dégénérescence intestinale chez des humains porteurs de variants du gène Apc.

Nature Medicine, 9 mai 2010. doi:10.1038/nm.2143.

 Dr GUY BENZADON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8769