Développement utérin, nutrition maternelle, contrôle vasculaire

Six facteurs de susceptibilité génétique enfin identifiés dans la prématurité

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Publié le 07/09/2017
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PREMA

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Si la majorité des naissances prématurées surviennent par travail spontané ou par rupture prématurée des membranes, l'influence génétique, suspectée depuis longtemps, notamment via l'observation des jumeaux, n'avait jamais été mise en évidence par étude d'association pangénomique.

Le travail des Drs Jacobsson et Muglia de l'hôpital pédiatrique de Cincinnati est bien la première étude d'association pangénomique (GWAS pour « genome-wide association study ») validée par un test de réplication positif. Six variants ont été identifiés comme étant associés à la durée de la grossesse et à la naissance prématurée spontanée.

Pour y parvenir, il y a bien sûr la taille de cette étude en 2 parties : 43 568 femmes d'origine européenne (issues d'un programme recherche d'une entreprise de biotechnologie et de génomique pour usage privé) pour la découverte des loci de susceptibilité, puis 8 643 mères et 4 090 nourrissons (issus de 3 bases de données nordiques) pour le test de réplication visant à reproduire les résultats obtenus précédemment.

Les chercheurs expliquent aussi avoir amélioré la puissance statistique faisant le choix de réaliser les tests d'association génétique à la fois avec la durée gestationnelle (trait quantitatif) et la prématurité (trait dichotomique).

De plus, la prématurité et la durée de la grossesse recouvrant un phénotype compliqué, qui est affecté à la fois par les génomes maternel et fœtal, les auteurs ont réalisé une analyse par diade mère-enfant. Celle-ci a mis en lumière l'existence des mêmes associations chez les nourrissons que chez les mères, mais avec des tailles d'effets moindres, diminués environ de moitié. « Une découverte qui confirme la théorie que l'effet observé chez les enfants est le résultat du partage d'un allèle maternel », écrivent les auteurs.

Interaction avec l'effet de l'oestrogène 

C'est ainsi que les variants des loci EBF1, EEFSEC, AGTR2, WNT4, ADCY5 et RAP2C ont été associés à la durée de la grossesse et les variants des loci EBF1, EEFSEC et AGTR2 à la prématurité.

Pour l'un d'entre eux, le gène WNT4, fortement répliqué dans l'analyse dans les populations nordiques, les chercheurs ont poussé l'investigation avec une analyse fonctionnelle. La responsabilité du locus WNT4 impliquerait que l'endomètre est un déterminant d'une naissance prématurée. En effet, sa fonction est indispensable à la décidualisation de l'endomètre. Des mutations de WNT4 ont déjà été associées à des anomalies des canaux de Müller, une aménorrhée primaire et à une hyperandrogénie, et aussi à l'endométriose, le cancer de l'ovaire et la densité minérale osseuse pour certaines d'entre elles.

Ici, les chercheurs ont montré qu'un variant de WNT4 (appelé rs3820282) altère la liaison avec le récepteur à l'œstrogène. La responsabilité d'un trouble de la signalisation de l'œstrogène, en tant que conséquence fonctionnelle du polymorphisme, est confortée par l'association de la même région avec l'endométriose et le cancer de l'ovaire, les deux étant hormono-dépendants.

Des locus déjà connus

Pour les autres loci, ce qu'on sait déjà d'eux est compatible avec leur implication directe dans la survenue d'une prématurité. Le locus EBF1, en particulier, a été associé au contrôle de la pression artérielle, à l'épaisseur de la paroi artérielle carotidienne intima-media, à l'hypospadias et au risque métabolique. Il reste à savoir si l'effet d'EBF1 sur la naissance s'exerce via des mécanismes propres à la grossesse ou via des facteurs plus généraux cardio-vasculaires ou métaboliques.

Pour le locus EEFSEC, participe à l'incorporation de la sélénocystéine dans les sélénoprotéines, ces protéines jouant un rôle important dans l'équilibre oxydatif et les défenses antioxydantes qui ont été associés au travail et à la prématurité. Ces résultats suggèrent par ailleurs un potentiel bénéfice à la supplémentation maternelle en sélénium.

Quant à AGTR2, qui code pour le récepteur de type 2 de l'angiotensine II, il a été suggéré qu'en modulant la circulation utéroplacentaire il contribuerait au risque de prééclampsie. Les auteurs font remarquer que ce mécanisme est improbable dans l'étude car les femmes ayant eu une prééclampsie étaient exclues dans cette étude. Pour ACY5 et RAP2C, les choses sont aussi peu claires, même si la région RAP2C a été précédemment rapportée à un accouchement prématuré dans des études danoises et norvégiennes.

Dans leur conclusion, les auteurs mettent en avant l'une des originalités de leur travail, celle « d'associer de grands échantillons avec un phénotypage auto-rapporté à des études de réplication plus modestes en taille mais plus précises pour le phénotype afin de révéler des loci maternels associés à la durée gestationnelle et à la prématurité ». Ils font le pari que cette méthodologie fera des émules et permettra d'améliorer la compréhension de la grossesse et de ses complications potentielles.  

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9599