Un bénéfice prolongé chez six patients

Succès d’une thérapie génique dans l’hémophilie B

Publié le 14/12/2011
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

« C’EST UNE ÉTUDE PHARE, déclare dans un éditorial associé le Dr Katherine Ponder (Washington University School of Medicine, St Louis). Si les futures études confirment la sécurité de cette approche, elle pourrait remplacer la thérapie protéique lourde et coûteuse actuellement utilisée pour les patients atteints d’hémophilie B. Cette technologie pourrait bientôt se traduire en applications pour d’autres troubles, tels que des maladies lysosomales de stockage, le déficit en alpha1-antitrypsine et les hyperlipidémies. »

L’hémophilie est due à un déficit en un facteur de coagulation et se manifeste par des hémorragies, surtout au niveau des articulations et des muscles. Les principaux types sont les hémophilies A et B, qui sont dues aux déficits du facteur VIII et IX respectivement, suite à l’altération du gène correspondant situé sur le chromosome X. À de rares exceptions près, l’hémophilie ne s’exprime que chez les garçons.

Un précédent essai de phase I/II de thérapie génique pour l’hémophilie B, utilisant un vecteur adénovirus-associé de sérotype 2 (AAV2), n’avait montré qu’une expression brève du facteur IX. L’efficacité était limitée par une réponse immune de l’hôte contre les hépatocytes transfectés.

Nathwani (University College of London) et coll. décrivent, dans le « New England Journal of Medicine », le premier succès de la thérapie génique pour l’hémophilie B.

Administration par une veine périphérique.

Ils ont utilisé un nouveau vecteur viral - un virus adeno-associé (AAV) auto-complémentaire, pseudotypé avec le sérotype 8 - développé par des chercheurs au St Jude Children’s Research Hospital de Memphis (États-Unis). Un vecteur AAV auto-complémentaire permet d’obtenir une expression du transgène à des taux plus élevés qu’un vecteur AAV simple brin. Le vecteur a été pseudo-typé avec une capside de sérotype 8 (AAV8), dont la séroprévalence chez l’homme est plus faible que celle de l’AAV2, afin de réduire la possibilité d’immunité humorale vis-à-vis de l’AAV. La troisième différence avec les précédents vecteurs AAV tient au fait que l’AAV8 a un fort tropisme pour le foie ; il a donc pu être administré dans la veine périphérique, une approche non invasive simple, préférable pour des patients ayant un trouble hémorragique. Ce vecteur est incapable de se répliquer.

Dans un essai de phase I/II conduit à Londres, six patients souffrant d’hémophilie B sévère (activité du facteur IX inférieure à 1 % de la normale) ont reçu une seule injection du vecteur AAV-8 exprimant le transgène du facteur IX (scAAV2/8-LP1-hFIXco). Ces patients ont été enrôlés successivement dans 3 groupes de dose croissante du vecteur (faible dose, dose intermédiaire, dose élevée), avec deux participants dans chaque groupe. Le vecteur était administré sans immunosuppression et les participants ont été suivis pendant de six à seize mois. Leurs réactions immunes ont été surveillées par des chercheurs du Children’s Hospital de Philadelpia (États-Unis).

Cette thérapie génique a permis d’obtenir chez tous les patients une expression du facteur IX comprise entre 2 et 11 % des taux normaux, avec une expression dépendante de la dose du vecteur administré.

L’expression a pu être observée pendant plus de six mois chez tous les patients.

De plus, 4 des 6 patients ont pu arrêter la prophylaxie par facteur IX sans développer d’hémorragie spontanée et les 2 autres ont pu espacer leurs injections prophylactiques.

Des risques pas encore clairs.

Les effets secondaires ont été limités, mais les risques de la procédure ne sont pas encore clairs. Parmi les deux patients qui ont reçu la dose la plus élevée, l’un a présenté une augmentation transitoire asymptomatique des taux sériques d’aminotransférase (5 fois au-dessus de la limite supérieure normale, 2 mois après la thérapie génique), qui était associée à la détection sanguine de cellules T cytotoxiques réagissant spécifiquement contre la capside AAV-8. L’autre a présenté une légère augmentation des taux d’enzymes hépatiques, dont la cause est moins claire. Ces deux patients ont reçu un court traitement corticoïde, qui a rapidement normalisé le taux des aminotransférases et a maintenu les taux de facteur IX dans l’intervalle de 3 à 11 % des valeurs normales. « Ces résultats soulèvent l’inquiétude que des patients ayant une mémoire immunologique plus récente de la capside de l’AAV8 puissent développer une hépatite fulminante », note dans l’éditorial le Dr Katherine Ponder.

Si la sécurité est établie dans les futures études, la thérapie génique pourrait être avantageuse, puisque le vecteur coûterait seulement 30 000 dollars par patient, selon le Dr Ponder. À titre comparatif, les coûts annuels des facteurs anti-hemophiliques par patient sont d’environ 150 000 dollars pour une thérapie à la demande et de 300 000 dollars pour une prophylaxie, ce qui donnerait pour toute la vie un coût de plus de 20 millions de dollars.

Nathwani et coll., New England Journal of Medicine du 9 décembre 2011.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9058