Agissant sur la régulation du glutamate cérébral

Trois gènes de la migraine

Publié le 16/06/2011
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Crédit photo : PHANIE

CETTE FORME particulière de céphalée chronique survenant par crises, la migraine, concerne jusqu’à 20 % de la population. Elle touche trois fois plus les femmes que les hommes. Sa physiopathologie n’est pas encore complètement comprise. Cette affection est considérée comme un trouble cérébral multifactoriel, ayant une forte composante héréditaire (jusqu’à 50 %).

Récemment, un premier facteur de risque génétique pour la forme commune de la migraine a été mis en évidence sur le chromosome 8, grâce à une étude d’association génomique de cas-témoins européens. La variation génétique identifiée, située entre 2 gènes (PGCP et MTDH), altère la régulation dans le cerveau du niveau de glutamate, neurotransmetteur excitateur bien connu (Nature Genetics, 2010).

Étude d’association génomique.

Une équipe internationale, dirigée par les Drs Tobias Kurth (INSERM, Paris) et Robert Zee (Harvard Medical School, Boston), rapporte l’identification de trois gènes dont une variation est associée à un risque accru de migraine au niveau de la population. Cette découverte est publiée dans la revue « Nature Genetics ».

Les chercheurs ont réalisé, dans un premier temps, une étude d’association génomique chez plus de 23 000 femmes de la cohorte du Women’s Genome Health Study, dont 5 122 participantes signalaient souffrir de migraines.

Trois variations de type SNP (polymorphisme d’un seul nucléotide) dans les gènes PRDM16 (chromosome 1), TRPM8 (chromosome 2) et LRP1 (chromosome 12) figuraient parmi les plus fortes associations avec la migraine trouvées dans cette analyse. Ces associations ont ensuite été confirmées dans une méta-analyse de trois cohortes de réplication comprenant au total 3 800 migraineux hommes et femmes, et 14 000 témoins (les cohortes GEM aux Pays-Bas, SHIP en Allemagne et IHGC internationale, série cas-témoins).

Deux variants (des gènes PRDM16 et TRPM8) distinguent la migraine de la céphalée non-migraineuse. Les trois variants par SNP sont associés à la migraine aussi bien avec aura que sans aura, et sans spécificité pour des caractéristiques de la céphalée.

Un canal ionique.

Le locus du gène LRP1 met en cause de nouveau la voie du glutamate dans la migraine. En effet, il code pour une protéine réceptrice (lipoprotéique) exprimée dans de nombreux tissus dont le cerveau et les vaisseaux. Elle est co-localisée et interagit avec les récepteurs du glutamate sur les neurones. Le locus du gène TRPM8 encode un canal ionique qui participe à la détection du froid et à la douleur induite par le froid ; il est impliqué dans la douleur neuropathique. Le rôle fonctionnel du locus du gène PRDM16 dans la migraine est encore inconnu.

« L’acquisition héréditaire de n’importe lequel de ces variants favorise le risque de migraine d’environ 10 à 15 %. La principale contribution de ce travail est de nous faire avancer la compréhension de la biologie de la migraine. Cependant, les effets génétiques ne sont pas suffisamment importants pour être traduits immédiatement en éléments d’aide au diagnostic, explique au « Quotidien » le Dr Markus Schuerks (Harvard Medical School, Boston). Si les gènes TRPM8 et LRP1 peuvent être liés de façon plausible à la migraine, les études à venir devront, toutefois, préciser le rôle exact de ces trois gènes dans la migraine ».

Nature Genetics, 12 juin 2011, Chasman et coll., DOI: 10.1038/ng.856.

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8983