Fruit de la découverte du gène de fusion ALK

Un candidat dans le traitement ciblé du cancer du poumon

Publié le 23/07/2010
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Crédit photo : PHANIE

POUR LE Pr Fabien Calvo (directeur de la recherche à l’INCa - Institut National du Cancer), l’effet du produit s’appuie sur une découverte biologique réalisée il y a trois ans, sous la forme d’une anomalie moléculaire consistant en une translocation de deux gènes aboutissant à un gène de fusion ALK codant une nouvelle protéine qui est une enzyme spécifique de la tumeur, nommée « Anaplasic Lymphoma Kinase » (abrégée en ALK). Cette enzyme est très importante pour le développement des cellules cancéreuses. Cette fusion de gènes aboutit à une promotion de la croissance tumorale.

L’enzyme spécifique qui a une activité type tyrosine kinase, a été identifiée dans certains adénocarcinomes pulmonaires. Une petite molécule inhibitrice de cette enzyme a été mise au point, le crizotinib (PF-1066), « dans un délai hyperraccourci », souligne le Pr Calvo. Elle est administrée sous forme orale. C’est le premier produit de cette nouvelle classe d’anticancéreux.

Les adénocarcinomes représentent une faible fraction des cancers pulmonaires, d’environ 5 % ; mais 20 % des adénocarcinomes surviennent chez des personnes qui n’ont jamais fumé ou qui ont arrêté depuis très longtemps. Et au total, le gène de fusion ALK est présent dans 3 à 5 % de l’ensemble des cancers pulmonaires.

L’étude présentée à l’ASCO est une étude de cohorte étendue d’une phase I. Elle a porté sur 76 patients à un stade avancé du cancer pulmonaire de type adénocarcinome. Ils étaient fumeurs ou anciens fumeurs et porteurs de la fusion du gène ALK.

La durée médiane de traitement a été d’environ six mois. Les résultats ont montré un taux de 57 % de réponses partielles chez ces malades « métastatiques ».

Régression d’au moins 30 % en volume.

Par réponses partielles, il faut entendre que toutes les localisations tumorales ont régressé d’au moins 30 % en volume. Dans certains cas, il y a eu des réductions tumorales de plus de 50 %. Les résultats sur la médiane de survie sans progression ne sont pas encore prêts. Les effets secondaires les plus fréquents sont des nausées et des vomissements.

Le résultat est qualifié de très important par les auteurs et le commentateur, car il concerne une forme très grave du cancer pulmonaire (survie à cinq ans inférieure à 10 %).

« Beaucoup de ces patients ont reçu auparavant trois lignes de chimiothérapie, voire davantage. Nous nous attendions à un taux de réponse avoisinant les 10 % », a commenté l’auteur principal, Yung-Jue Bang (National College of Medicine, Séoul, Corée). « Ces résultats sont très intéressants. Ils représentent une avancée par rapport à ce qui est obtenu actuellement avec les chimiothérapies standards utilisées chez les patients ayant une maladie métastatique. »

« Les spécialistes ont bien pris note de ce résultat. Les plateformes de génétique moléculaire en France sont capables de tester la combinaison génétique et d’identifier les patients susceptibles de bénéficier du traitement dès qu’il aura été approuvé par les Agences pour les essais », souligne le Pr Calvo.

Une étude de phase III randomisée, nommée « PROFILE-1007 » a commencé, pour comparer le crizotinib à une chimiothérapie standard de seconde ligne. Plus de 300 patients doivent être inclus.

La découverte de cette anomalie génétique spécifique répondant à un traitement ciblé rappelle l’identification des mutations du récepteur de facteur de croissance EGFr, pour lequel un inhibiteur spécifique a été mis au point, rappelle le Pr Calvo.

 Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8786