Par remodelage de la chromatine

Un gène-clé de certains cancers de l’ovaire

Publié le 09/09/2010
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Crédit photo : BSIP

FACE AUX cancers de l’ovaire, la recherche distingue les différents sous-types dans l’espoir de développer des traitements spécifiques de chacun d’entre eux. Deux équipes se sont intéressées au carcinome à cellules claires de l’ovaire. Il s’agit du second sous-type le plus fréquent (10 % des cas) et l’un des plus agressifs en raison de sa chimiorésistance. En outre, à l’instar du carcinome endométrioïde (troisième sous-type le plus fréquent), il peut se développer à partir d’une endométriose et les événements moléculaires impliqués dans cette transformation restent inconnus.

Une équipe du Johns Hopkins Kimmel Cancer Center (Baltimore, Etats-Unis), dont l’étude paraît dans « Sciencexpress », a évalué les mutations de 18 000 gènes codant dans les tumeurs à cellules claires de 8 patientes, en comparant la séquence génétique des cellules tumorales et des cellules normales des mêmes patientes. Ils ont ainsi identifié 253 gènes mutés parmi les 8 tumeurs, avec une moyenne de 20 mutations par tumeur.

ARID1A, un gène suppresseur de tumeur.

Seulement 4 gènes étaient mutés dans plus d’une des 8 tumeurs : PIK3CA et KRAS, déjà impliqués dans ce sous-type de cancer ovarien et dans d’autres cancers. Deux autres gènes sont nouveaux : PPP2R1A, qui se révèle fonctionner comme un oncogène lorsqu’il est muté, et ARID1A, qui se révèle être un gène suppresseur de tumeur et encode une protéine du complexe de remodelage de la chromatine.

On sait que la chromatine limite l’accessibilité de l’ADN aux facteurs régulateurs. Son remodelage dans les régions régulatrices contribue au contrôle de l’expression génique. Un nombre croissant d’observations relie des défauts de la machinerie de remodelage de la chromatine au cancer.

Une mutation du gène ARID1A produisant une altération du complexe de remodelage de la chromatine, entraînerait une régulation épigénétique anormale avec des gènes incorrectement activés ou réprimés.

Après analyse de 34 autres cas de tumeurs à cellules claires, le gène ARID1A est trouvé globalement muté dans 57 % des 42 tumeurs, et le gène PPP2R1A est muté dans 7 % des tumeurs.

De nouveaux biomarqueurs.

« Ces nouveaux gènes pourraient ouvrir la voie au développement de nouveaux biomarqueurs et de thérapies ciblées », déclare dans un communiqué le Dr Nickolas Papadopoulos, qui a codirigé l’étude avec les Drs Kenneth Kinzler et Victor Velculescu.

« Les mutations du gène ARID1A procurent un nouveau lien important entre les mécanismes génétiques et les mécanismes épigénétiques dans le cancer humain ; elles pourraient aider à identifier les modifications épigénétiques pouvant être ciblées par des traitements », ajoute le Dr Victor Velculescu. Les chercheurs projettent d’identifier les gènes dont l’expression est modifiée par l’inactivation d’ARID1A.

Dans une étude publiée dans le « New England Journal of Medicine », le Dr David Huntsman (British Columbia Cancer Agency, Canada) et son équipe ont séquence l’ARN de 18 tumeurs à cellules claires. Ils ont découvert des mutations somatiques du gène ARID1A dans 6 échantillons. Ils l’ont alors séquencé dans 210 cancers ovariens supplémentaires et ont mesuré son expression dans 455 autres cancers ovariens.

Résultat, des mutations somatiques du gène ARID1A sont trouvées dans 46 % des carcinomes à cellules claires de l’ovaire (55/119), dans 30 % des carcinomes endométrioïdes (10/33), mais dans aucun carcinome séreux de haut grade de l’ovaire (0/76). La perte d’expression du gène ARID1A est également trouvée dans 36 % des carcinomes à cellules claires de l’ovaire et des carcinomes endométrioïdes, mais seulement dans 1 % des carcinomes séreux de haut grade.

De plus, dans deux tumeurs étudiées, des mutations d’ARID1A et la perte d’expression du gène ARID1A sont présentes non seulement dans la tumeur mais aussi dans l’endométriose atypique contiguë (lésion prénéoplasique), alors qu’elles sont absentes dans les lésions d’endométriose distantes.

Deux sous-types de cancers de l’ovaire.

En conclusion, le gène ARID1A se révèle être un gène suppresseur de tumeur fréquemment muté dans deux sous-types de cancers de l’ovaire - les carcinomes à cellules claires et les carcinomes endométrioïdes. Puisque les mutations d’ARID1A et la perte d’expression génique peuvent être observées dans les lésions prénéoplasiques, les chercheurs pensent que la mutation de ce gène pourrait représenter un événement précoce dans la transformation de l’endométriose bénigne en cancer.

« Notre découverte d’une mutation dominante dans le carcinome à cellules claires de l’ovaire soulève l’espoir de développer des traitements pour ce sous-type de cancer mal compris, laisse entrevoir le Dr Huntsman. Ceci devrait accélérer le développement d’outils permettant de déterminer chez les femmes souffrant d’endométriose celles à risque accru de cancer ovarien ».

Wiegand et coll., New England Journal of Medicine 9 septembre 2010. Jones et coll., Sciencexpress8 septembre2010,

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8811