Le traitement in utero du syndrome du transfuseur-transfusé, lors des grossesses gémellaires monochorioniques, est l’un des rares cas où l'utilité de la chirurgie fœtale fait l'unanimité.
Le syndrome du transfuseur-transfusé, qui touche environ une grossesse gémellaire monochorionique sur dix, se caractérise par un déséquilibre de l'échange sanguin entre les deux fœtus.
La conséquence est un hydramnios polyurique du jumeau receveur et un oligoamnios oligurique chez le donneur. En fonction du stade de la pathologie, les conséquences fonctionnelles peuvent aller de la simple réduction de la vessie du fœtus donneur à l'insuffisance cardiaque chez le receveur, voire au décès d'un enfant ou même des deux. Historiquement, la première technique de prise en charge intra-utérine a consisté en une réduction du liquide amniotique chez le fœtus transfusé.
Au début des années 2000, une nouvelle opération a fait son apparition, consistant à bloquer la communication sanguine entre les placentas des jumeaux en coagulant les anastomoses vasculaires placentaires reliant les deux fœtus à l’aide d’une fibre laser passée dans le canal opératoire de l’endoscope. L'intervention a lieu sous anesthésie locale et la patiente peut quitter l'hôpital après 48 heures d'observation.
Grâce à cette opération, nous inversons les courbes de survie de cette maladie de manière indiscutable
Pr Yves Ville, hôpital Necker (AP-HP)
« Nous utilisons un endoscope de 3 mm que nous introduisons dans le sac amniotique du fœtus receveur, précise le Pr Julien Stirnemann du service d'obstétrique et de médecine fœtale à l'hôpital universitaire Necker-Enfants malades (AP-HP). Le risque maternel est extrêmement faible. C'est peut-être le seul exemple que je connaisse pour lequel il y a une réelle amélioration avec une naissance dans de bonnes conditions. » Les médecins français de Necker avaient développé, pour l’occasion, une trousse à outils qui est également utilisée pour d'autres opérations de chirurgie fœtale.
Une preuve au début des années 2000
En 2004, Yves Ville et ses collaborateurs ont apporté la preuve de la supériorité de cette technique (1) sur celle de l’amnioréduction. Leur étude a porté sur 142 femmes. De meilleures chances de survie des deux enfants étaient observées dans le groupe traité par laser (76 % contre 56 %). Ce type d'étude a été reproduit ailleurs dans le monde, y compris lors d'un essai international multicentrique sur 117 patients (2).
« Grâce à cette opération, nous inversons les courbes de survie de cette maladie de manière indiscutable », se réjouit le Pr Yves Ville (service obstétrique-maternité, chirurgie médecine et imagerie fœtales de l'hôpital Necker-Enfants malades), qui a participé aux études internationales ayant démontré l’intérêt de cette approche. En France, les opérations de ce genre sont réalisées dans les centres de compétences labellisés, des centres experts du syndrome de transfusion fœto-fœtale, au sein d’un réseau coordonné par le centre de référence maladies rares (CRMR) de Necker.
« C'est une intervention bien codifiée et les résultats sont reproductibles, poursuit le spécialiste. Le phénotype de l'anomalie est relativement constant et facilement classifiable, contrairement à d'autres pathologies fœtales comme la hernie diaphragmatique, dont le terme ou le degré d'hypoplasie pulmonaire peuvent être très différents. »
(1) M.-V. Senat et al., N Engl J Med, vol 351, p136-144, juillet 2004
(2) J. Strirnemann et al., American Journal of Obstetrics and Gynecology, vol 224, n°5, p 528. e1-528.e12, mai2021
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