« Je vous le rappelle : actuellement, préférez la monogamie. » Chaque jour, à 13 heures, le premier ministre du Québec, François Legault, organise une conférence de presse relayée en direct sur Facebook aux côtés du directeur de la Santé publique, Horacio Arruda. Une opération de communication bien orchestrée par le duo qui dresse quotidiennement un état des lieux chiffré : 18 300 cas confirmés et près de 900 morts au 19 avril. Recensant quasiment à lui seul la moitié des cas au Canada, le Québec est la Province la plus touchée de ce vaste pays (35 000 cas confirmés et 1 647 décès).
Mi-mars, conscient que son système de santé vieillissant serait à la peine pour affronter l’épidémie et alors même que la Province ne comptait que 13 cas confirmés, le gouvernement a opté pour un confinement par anticipation à grande échelle, similaire à la France. Une semaine plus tard, le Québec déclarait toute la Province « sur pause » au moins jusqu’au 1er mai. Un effort intense qui se conjugue à une réorganisation des services médicaux, notamment le recours à la télémédecine entièrement prise en charge par le ministère de la Santé et des services sociaux.
Drive test et clinique de dépistage
À Montréal, qui concentre un quart de la population, une clinique de dépistage a été mise en place en plein centre-ville, d’une capacité d’environ 2 500 tests jour. À Sainte Justine, hôpital pédiatrique, un drive-test permet aux enfants de se faire tester par prélèvement buccal sans descendre de la voiture tout en limitant le contact avec les soignants.
L’objectif est clairement d’éviter la saturation des hôpitaux, où la situation était déjà tendue avant l’éclosion du coronavirus. Difficile pour autant d’en saisir la réalité. Mais selon le personnel, le protocole déployé notamment pour le « triage » des patients, n’a pas été suffisamment à la hauteur au début de l’épidémie. Dès le mois de mars, le Dr Gilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec (ASMUQ), a dénoncé certains errements, pointant « un nombre de patients jugés sans facteurs de risque, mais atteints du COVID-19 et qui passent entre les mailles du filet ». Et dans les zones Covid-19, le personnel de santé fait toujours état d'un sous-effectif permanent, un manque de moyen (pénurie de blouses, masques, visières…) pour se protéger du virus et déplore des heures supplémentaires en trop grand nombre. « On est tous fatigués. Déjà, à la base, nos conditions de travail ne sont pas au top, mais là, c’est du jamais vu », confie une infirmière clinicienne (préférant rester anonyme). Néanmoins, la situation semble aujourd’hui relativement maîtrisée dans le milieu hospitalier.
Surcharge et fatigue chez les soignants
Actuellement, près de 1 000 personnes sont hospitalisées dont 183 en soins intensifs. « Avant le Covid-19, nous étions déjà en pleine crise de surcharge de travail et d'épuisement. Jusqu'à maintenant, les mesures du gouvernement ne sont pas à la hauteur de nos attentes », estime Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN).
Au Québec, le Covid-19 est accompagné d’un scandale concernant les conditions de vie des personnes âgées accueillies en établissement. L’indignation monte dans la population, en particulier pour les familles dont un proche vit en CHSLD, équivalent de nos EHPAD français, qui concentrent une grande partie des décès. « C’est une tragédie », rapporte dans le journal «La Presse» une Québécoise, dont la maman fait partie des 39 victimes d’un même établissement. « La façon dont on traite nos aînés est inacceptable », a même reconnu le premier ministre québécois, alors que les plus de 70 ans représentent 89 % des décès enregistrés au Québec.
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