Des chercheurs chinois clonent un macaque rhésus, des implications possibles en recherche pour l’AMP

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Publié le 19/01/2024
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Crédit photo : Zhaodi Liao et al., Nature Communications

Pour la première fois, des chercheurs de l’académie chinoise des sciences de Pékin sont parvenus à cloner un Macaque rhésus, un jeune mâle baptisé Retro, aujourd’hui âgé de plus de deux ans et en bonne santé. Ils ont pour cela utilisé une technique de transfert de noyau de cellule somatique vers une cellule embryonnaire. Cette technique avait déjà permis de cloner des vaches, des souris, des lapins, des chiens, des chèvres, des porcs, des macaques crabiers sans oublier la très médiatique brebis écossaise Dolly.

Toutefois, et malgré des améliorations successives comme l’ajout de régulateurs épigénétiques, les taux de réussite restaient très faibles jusque-là : entre 1,5 et 8,9 % de naissances vivantes selon les protocoles employés. Les chercheurs chinois, qui ont compris l’une des raisons de ce fort taux d’échec, ont trouvé une parade qui pourrait avoir des applications dans l’aide médicale à la procréation.

Un singe rhésus avait bien été cloné, en 1997, mais les chercheurs avaient, à l’époque, greffé un noyau issu d’un blastomère provenant d’un jeune embryon. La prouesse des chercheurs chinois réside ici dans le fait qu’ils ont utilisé un noyau de cellule somatique prélevé après la naissance chez un singe. L’autre fait notable est la longévité du singe cloné. En effet, en 2022, une équipe de l’université des sciences et des technologies de Kunming, dans le Yunnan avait rapporté la naissance d’un singe rhésus issu du clonage d’une cellule somatique, mais l’animal n’avait survécu que 12 heures.

Remplacer le futur placenta

Dans leur article publié dans Nature Communications, les scientifiques dirigés par les chercheurs Zhen Liu, et Qiang Sun expliquent avoir dans un premier temps fait 484 transferts de noyau de cellule somatique, dont 35 seulement ont abouti à un embryon implantable, soit environ la moitié de ce qui a été obtenu avec une injection intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI), à titre de comparaison. Sur ces 35 embryons implantables, un seul est arrivé à terme… pour mourir 23 heures après sa naissance.

Repartant de zéro, les chercheurs se sont attaqués à l’un des problèmes majeurs du clonage : la connaissance limitée des mécanismes de reprogrammation génomique à l’œuvre après la greffe de noyau. Les auteurs ont tenté de combler ce manque en procédant à une analyse multiomique comparative des 35 embryons de singes clonés et d’embryons de singes obtenus par ICSI. Ces travaux ont révélé une diminution de la méthylation chez les embryons obtenus par clonage, et une diminution de l’empreinte génomique, c’est-à-dire l’activation et/ou de l’inactivation des gènes contenus dans le noyau transféré.

Cette perte de l’empreinte génomique ne persiste que jusqu’au 17e jour de développement dans les fœtus in vitro, mais demeure jusqu’à la fin du développement dans le placenta. Un examen histologique des placentas montre en outre une hyperplasie et une calcification.

Afin de compenser ces défauts, les chercheurs chinois ont développé une technologie de remplacement des trophoblastes, cette couche de cellule externe à l’embryon à l’origine du placenta. C’est de cette manière qu’ils sont parvenus à obtenir la naissance d’un macaque rhésus, après « seulement » 113 tentatives.

Un bénéfice contesté pour l’AMP

« Ces découvertes nous fournissent de précieuses informations sur les mécanismes de reprogrammation à l’œuvre chez les clones de singes, ainsi qu’une stratégie prometteuse pour cloner des primates », se réjouissent les auteurs qui envisagent des applications de leur technique de remplacement des trophoblastes pour améliorer les chances de naissances vivantes lors d’une assistance médicale à la procréation. « En utilisant cette technique » de remplacement du trophoblaste, « nous pourrions sauver des embryons présentant des anomalies ou des déficiences du trophectoderme », promettent-ils dans leurs conclusions.

Cet optimisme n’est guère partagé par le chercheur Robin Lovell-Badge de l’institut Francis Crick, dont l’avis est relayé par Science Media Center : « la méthode de remplacement du trophectoderme ajoute une couche de complexité, et oblige à utiliser encore plus de singes, et même en utilisant cette méthode, on risque d’aboutir à un grand nombre de fausses couches. »

Concernant les considérations éthiques, notamment en ce qui concerne le risque du clonage humain, Robin Lovell-Badge se veut rassurant : « cette méthode ne nous rapproche pas du clonage humain reproductif, idée qui a toujours été un non-sens : ce ne serait pas éthique, ne serait-ce que du point de vue de la sécurité », affirme-t-il.


Source : lequotidiendumedecin.fr