La santé mentale reste un sujet majeur de santé publique. De fait, en 2020, 23,3 milliards d’euros de dépenses de l’Assurance-maladie lui ont été consacrés, soit 14 % des dépenses totales, et chaque année, 8,4 millions de personnes reçoivent en France des soins pour ce motif. En médecine générale, près de 13 % des consultations sont liées aux seuls troubles anxieux et dépressifs.
Un espace Ameli de santé mentale en soins primaires
Afin de faciliter la prise en charge des troubles psychiques en médecine générale, l’Assurance-maladie vient de concevoir un espace santé mentale en soins primaires, qui devrait être disponible sur Ameli médecins en juin 2023. « Il propose des outils diagnostiques et des tableaux de synthèse thérapeutique pour les pathologies mentales les plus fréquentes des adultes, des seniors, des jeunes et étudiants, et des adolescents », indique la Dr Brigitte Neme, médecin-conseil à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM).
Pour la dépression de l’adulte, la stratégie recommandée tient compte de l’intensité de la maladie (légère, moyenne, sévère) et la prescription de l’arrêt de travail se fonde sur les recommandations du Collège de médecine générale. « L’arrêt sera en général inférieur à une à deux semaines en cas de dépression d’intensité légère ; deux options sont possibles dans la dépression d’intensité moyenne ou sévère : arrêt court d’une à deux semaines, en rassurant le patient sur la possibilité d’une prolongation de l’arrêt, ou arrêt d’emblée d’un mois avec réévaluation en cours d’arrêt », rappelle le Dr Cyril Bègue, président du comité scientifique du congrès et maître de conférences à Angers.
L’espace « santé mentale » d’Ami s’intéresse aussi aux troubles mentaux associés à la maternité ou périnatalité. Il devrait, à terme, comporter un chapitre sur les pathologies mentales les plus courantes de l’enfant. Pour chaque pathologie, les mesures d’hygiène de vie, d’accompagnement psychologique et les traitements sont détaillés. De plus, une rubrique « près de chez vous » recense l’offre de soin locale en santé mentale (associations, dispositifs de soins partagés…).
MonParcoursPsy : plus de 100 000 patients reçus
La Dr Stéphanie Schramm, responsable du département des maladies chroniques à la Cnam, cite plusieurs expérimentations conduites par l’Assurance-maladie : Ecout’émoi pour les jeunes, SantéPsyÉtudiant, PsyEnfantAdo, mais surtout le dispositif MonParcoursPsy, lancé le 5 avril 2022. Plus de 2 200 psychologues libéraux ou salariés ont accepté de participer à ce programme, qui propose sur adressage d’un médecin (généraliste, pédiatre…), et après entretien d’évaluation par le psychologue, une à sept séances d’accompagnement psychologique, éventuellement renouvelables. Ces séances sont remboursées à des patients de plus de trois ans, en souffrance psychologique d’intensité légère à modérée.
Points positifs : MonParcoursPsy a permis de prendre en charge 103 635 patients en février 2023, après consultation de 34 155 médecins ; la moitié des patients ont pu avoir leur premier entretien d’évaluation en moins de 14 jours après la consultation du médecin (dans 92 % des cas un généraliste). Cependant, les psychologues sont loin d’être tous enthousiastes. Ils jugent pour la plupart que la rémunération proposée (40 € pour l’entretien d’évaluation puis 30 € pour les séances de suivi) est largement insuffisante. Ce qui explique que les psychologues participants soient souvent débordés.
Les psychologues ne souhaitent pas non plus toujours échanger avec le médecin, pour des motifs de secret professionnel. Quoi qu’il en soit, les données révèlent que les patients ayant eu recours au dispositif sont dans 71 % des femmes, et que 11 % bénéficiaient de la complémentaire santé solidaire. Ces sujets en souffrance psychologique ont réalisé 4,2 séances en moyenne, bien plus souvent en présentiel qu’en distanciel (1 286 patients). Les généralistes ont orienté, en moyenne, 3,1 patients.
L’Assurance-maladie réfléchit à mieux déployer le dispositif, l’élargir à des troubles plus sévères, ou faire éventuellement intervenir d’autres professionnels, comme les infirmièr·es de pratique avancée en santé mentale, ou les sages-femmes pour les troubles du post-partum.
Avoir un·e psychologue au cabinet ?
En attendant, certains centres et maison de santé, notamment ceux des structures d’exercice coordonné participatives (Secpa), mises en place dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale, fonctionnent avec des psychologues exerçant en leur sein. « Cela facilite l’accès à des soins de santé mentale pour les patients, sans limiter le nombre de séances de psychologue, se félicite le Dr Jérémy Khouani, au vu de son expérience de médecin généraliste dans une Secpa d’un quartier défavorisé de Marseille. Cette coopération, qui concrétise la prise en charge médico-psychosociale en soins premiers est très riche sur le plan professionnel et contribue à la reconnaissance du métier de psychologue. » Mais, elle n’est pas toujours facile, « car les généralistes traitent l’information, quand les psychologues sont attentifs à des processus et fonctionnements », témoigne Marianne Uribe, psychologue clinicienne travaillant avec le Dr Khouani.
Exergue : La rémunération de 40 € pour l’entretien d’évaluation puis 30 € pour les séances de suivi est jugée largement insuffisante
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