Des études épidémiologiques sont nécessaires

Certains probiotiques pourraient favoriser l’obésité

Publié le 07/06/2012
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Crédit photo : AFP

EXISTE-T-IL un lien entre obésité et consommation de probiotiques contenant des Lactobacillus ? Pour l’équipe du Pr Didier Raoult (Unité de recherche sur les maladies infectieuses et tropicales émergentes) la question s’est posée avec son équipe, lorsque ces chercheurs ont obtenu des poulets géants, grands et gros, après leur avoir donné au stade poussin, des Lactobacillus ingluviei. Ils devaient alors tester ces derniers, suspectés (à tort) de rendre malades des autruches.

Quelque temps après cette observation, un travail cadré est réalisé par un post-doc. Le même résultat est obtenu chez des poulets : une prise de 108 bactéries augmente leur croissance. On constate que l’ajout de Lactobacillus accroît le taux de conversion alimentaire : pour la même quantité de nourriture, les aliments sont davantage transformés en calories et assimilés.

Les chercheurs ont l’idée de travailler sur la transmissibilité de l’obésité dans ses aspects non génétiques. Gordon publie des données solides montrant que la composition des microbiotes intestinaux est significativement différente chez les obèses. Avec une présence importante des espèces de bactéries probiotiques utilisées chez les humains pour traiter les diarrhées, mais aussi dans l’alimentation animale pour faire grossir les animaux.

Souris, poulets et canards.

Les études chez les souris, les poulets et les canards montrent les mêmes résultats : l’ajout de Lactobacillus fait prendre du gras et confère un profil similaire à celui de l’obésité, pour des doses peu importantes. Nommés en anglais « growth promotors », ces probiotiques ont remplacé dans l’alimentation animale les antibiotiques interdits par la loi européenne.

Poursuivant sa recherche, l’équipe engage alors une analyse exhaustive de données publiées dans la littérature sur le sujet, autant chez les humains que chez les animaux (animaux de laboratoire et espèces fermières). Ils publient maintenant une méta-analyse à partir de 82 études, qui montre qu’il pourrait exister un lien entre la consommation de certains probiotiques et la prise de poids. Cependant cet effet semble être dépendant des espèces de lactobacillus et de l’hôte considéré.

Ainsi, ils trouvent que l’administration de Lactobacillus acidophilus est associée à un gain de poids significatif chez l’homme et chez l’animal. L. fermentum et L. ingluviei sont associés à une prise de poids chez les animaux. À l’inverse, L. plantarum a été associé à une perte de poids chez les animaux et L. gasseri a été associé à une perte de poids à la fois chez les humains obèses et chez les animaux.

Même s’il existe des biais inéluctables et des conditions d’étude très différentes, la question est posée. L.acidophilus et L. fermentum sont deux espèces différentes, présentes dans des probiotiques et produits laitiers largement commercialisés pour la consommation humaine.

Les auteurs attirent donc l’attention sur le fait « que de futures études prospectives ou rétrospectives comparant des personnes ayant consommé régulièrement ces probiotiques à des témoins, sont absolument nécessaires, pour préciser l’impact de la consommation de ces probiotiques sur le poids et notamment sur l’obésité acquise. »

Microbial Pathogenesis, en ligne le 24 mai 2012.

* Unités de recherche sur les maladies infectieuses et tropicales émergentes (URMITE, CNRS/AMU/Inserm/IRD, Marseille).

 Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9138