Troubles du comportement alimentaire

Des TCC contre l’addiction

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Publié le 30/01/2020
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Anorexie mentale, boulimie, hyperphagie… En lien avec l’histoire de chacun, l’addiction en nutrition peut se manifester de différentes façons. Pour certains patients, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) brèves se révèlent très efficaces.
Un travail sur la notion même de contrôle

Un travail sur la notion même de contrôle
Crédit photo : Phanie

Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) ont évolué pour prendre en compte la dimension émotionnelle (3e vague). « Elles sont ainsi moins centrées sur l’ici et maintenant et davantage dans l’histoire du sujet, moins protocolaires et plus adaptées à la personne et à son trouble. Quant à la durée, elle est adaptée à la complexité des troubles, sans se limiter à des modèles systématiquement brefs (type Fairburn en 15 à 20 séances hebdomadaires) », souligne le Dr Jean-Philippe Zermati (Paris), psychonutritionniste et psychothérapeute.

Pour illustrer son propos, il a présenté deux cas cliniques, une histoire simple et une plus complexe. Pour la première, une jeune femme de 28 ans qui consulte pour des compulsions et hyperphagies, qu’elle alterne avec des périodes de contrôle, une TCC brève sur 4 mois a permis d’obtenir de bons résultats, maintenus à deux ans de suivi. Celle-ci s’est articulée autour de trois axes principaux : satisfaire les envies avec les aliments correspondants ; apprendre à maintenir l’attention sur les sensations alimentaires (attention partagée et automatique) ; développer un sentiment de sécurité alimentaire. « Dans ce cas, l’approche "je mange ce que je veux, quand je veux et autant que je veux", associé à un accompagnement adapté, a porté ses fruits. Au bout de quatre mois, les compulsions et les hyperphagies ont disparu, les envies de manger émotionnelles (EME) ont nettement diminué, le rassasiement a augmenté et, par conséquent, les quantités de calories consommées au cours des repas ont diminué, détaille le Dr Zermati. En outre, le contrôle exécutif du poids a disparu, tout comme les obsessions et les ruminations. »

Des vécus à prendre en compte

Tous les « binge eating disorder » (ou « binge ») n’ont pas la même signification, et la façon dont le thérapeute va accompagner le patient est évidemment liée à son vécu. Le deuxième cas présenté est celui d’une femme de 43 ans, qui a été violée à plusieurs reprises dans son enfance et qui a des antécédents familiaux particulièrement complexes. Elle souffre régulièrement d’hyperphagie boulimique. « L'acte alimentaire s’apparente alors davantage à la recherche d’une forme d’anesthésie émotionnelle, pour faire disparaître des émotions douloureuses jugées insupportables », explique le Dr Zermati. La douleur physique provoquée par la crise alimentaire estompe la douleur psychique. Ces crises peuvent faire penser à des comportements auto-mutilatoires (scarifications, coups, morsures, arrachage des cheveux) ou à d’autres comportements de dépendance (alcool, drogue, tabac). «  Pour cette seconde patiente, travailler uniquement sur le comportement alimentaire n’est pas la bonne approche : autant demander à quelqu’un qui se mutile de s’enfoncer des clous dans le ventre avec douceur », complète-t-il. Une prise en charge du trauma est alors l’option qui doit être choisie.

Enfin, dans d’autres situations, un travail sur la notion même de contrôle est le plus adapté. En effet, le « binge » peut parfois exprimer une perte de contrôle, consécutive au contrôle instauré pour perdre du poids. « Le mangeur se retrouve piégé dans son contrôle : il lui est impossible de le maintenir sans discontinuité et impossible de le lâcher, en dépit de la conscience qu’il a de ses effets négatifs. On parle donc ici d’addiction au contrôle », conclut le Dr Zermati.

D’après la session : « Addictions en nutrition : nouvelles approches »

Anne-Lucie Acar

Source : Le Quotidien du médecin