Pr François Mariotti (AgroTech Paris, INRA)

Le type d'acides aminés consommé influe sur la mortalité cardiaque

Par
Publié le 12/11/2019
Si on savait déjà que les protéines d'origine animale ou végétale affectent différemment la santé cardiovasculaire, un vaste travail (1) vient de montrer aujourd’hui, qu'indépendamment de l’origine végétale ou animale, c'est le type d'acide aminé lui même qui influe sur le risque cardiovasculaire...

Crédit photo : DR

L'étude a été menée dans la cohorte AHS-2 (Adventist Health Study -2) réunissant des adventistes américains et canadiens dont les habitudes alimentaires ont été recueillies annuellement durant 5 ans (2002-2007). Les sujets déclarant un IMC inférieur à 14 kg/m² ou supérieur à 60 kg/m², consommant moins de 500 kcal/j ou plus de 4 500 kcal/j ou ayant des antécédents cardiovasculaires ont été exclus. Au total, l'analyse a porté sur près de 80 000 sujets de plus de 25 ans, âgés de 60 ans en moyenne. Parmi eux, 2 216 sont morts de cause cardiaque avant fin 2013. L'analyse porte sur l'évolution du taux de mortalité cardiaque à 10 ans et les liens avec divers profils nutritionnels en acides aminés (AA) après ajustements sur les autres facteurs de risque.

"Cette cohorte n'est pas représentative de la population générale : 85 % d'entre eux n'ont jamais fumé, 75 % ne boivent pas… Ils mènent une vie assez saine et surtout assez semblable. C'est très intéressant car cela réduit considérablement les facteurs de confusion tout en permettant de mettre en évidence des associations applicables en population générale", commente le Pr Mariotti.

Les AA indispensables délétères ?

Trois profils en AA ont été définis : profils 1, 2 et 3.

Le profil 1 représentant un apport important en AA indispensables (surtout les AA ramifiés, la lysine et la méthionine) est fortement corrélé à un excès de mortalité cardiovasculaire même après ajustements y compris sur le type de protéines consommées (RR = 1,56 ; 0,99-2,45). À l’inverse le profil 3 représentant un apport important en certains AA non indispensables (surtout l'arginine, la glycine et l'aspartate + asparagine) est fortement corrélé après ajustements à une réduction de la mortalité cardiovasculaire (RR = 0,55 ; 0,35-0,85). En revanche pour le profil 2, après ajustement rien ne sort.

"L'an passé sur cette même cohorte nous avons démontré que le type de protéines consommé est associé au risque cardiovasculaire. Globalement un apport important en protéines animales était associé à un surrisque cardiovasculaire. A contrario, un apport important en protéines végétales issues de noix et graines était associé à une protection cardiovasculaire. Avec ce travail, nous avons voulu tester si c'était les acides aminés, constitutifs des protéines, qui "portaient" ce risque. La réponse est oui, du moins en bonne partie. Le type d'AA apportés module en effet le risque cardiovasculaire indépendamment des sources de protéines et des apports en graisses", résume le Pr Mariotti.

Le profil 1, riche en AA indispensables, représente des apports importants en AA ramifiés (leucine, isoleucine et valine) et en lysine, méthionine, thréonine, tyrosine et alanine. Pouvait-on s'attendre à ce résultat ? Pas vraiment. "L'impact des AA ramifiés reste très discuté. On avait aussi un support métabolique pour suspecter la méthionine, notamment par son lien avec l'homocystéinémie, ou plus globalement son influence comme donneur de méthyle" explique François Mariotti.

Le profil 3 représente des apports importants en AA non indispensables avec une prédominance de l'arginine, la glycine et aspartate + aspariginase associés à un peu de proline. De ce côté-là aussi l'observation est originale. "Il n'est pas étonnant de retrouver dans ce groupe l'arginine qui est un précurseur de NO et pour lequel on a quelques éléments de preuve. Mais pour les autres AA, on a peu d'éléments d'explication si ce n'est que la glycine augmenterait peut-être l'insulinosensibilité".

"Au total ce travail doit mettre en garde sur la consommation excessive de protéines riches en AA indispensables. Ils sont très utiles lors de la croissance puis pour le renouvellement des protéines corporelles mais dans un environnement alimentaire riche, point trop n'en faut" résume le Pr Mariotti. 

D'après un entretien avec le Pr François Mariotti (AgroTech Paris, INRA, Université Paris Saclay)
(1) M Tharrey et al. Patterns of amino acids intake are strongly associated with cardiovascular mortality, independently of the sources of protein. Int J Epidemiology 2019; dyz194, https://doi.org/10.1093/ije/dyz194

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr