Environnement

Où en est la mise en place du menu végétarien quotidien à l’hôpital ?

Publié le 23/11/2023
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Depuis le 1 er janvier, les établissements publics de santé sont tenus de proposer quotidiennement le choix d’un menu végétarien, aussi bien aux patients qu’au personnel. Près d'un an plus tard, le bilan est loin du compte.
L'alimentation est le troisième poste d'émission de gaz à effet de serre dans le secteur de la santé

L'alimentation est le troisième poste d'émission de gaz à effet de serre dans le secteur de la santé
Crédit photo : BURGER / PHANIE

Un repas végétarien au menu dans chaque établissement de santé, telle était la directive donnée début 2023 dans le cadre de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021. Mais près d’un an après l’entrée en vigueur, nombre d’établissements ne l’ont pas encore implémentée. Si les patients peuvent déjà demander des repas « sans viande » et « sans poisson », ils se retrouvent souvent avec une simple garniture, non équilibrée d’un point de vue nutritionnel.

« La loi Climat a fourni une pression légale, mais c'est la mise en place qui est laborieuse, observe le Dr Guillaume Fond, psychiatre spécialiste en psychonutrition aux Hôpitaux universitaires de Marseille (AP-HM). Les personnels ne sont pas formés à faire des menus végétariens à la fois attractifs et qui respectent les apports nutritionnels recommandés. »

« La loi remue un peu tout le monde », reconnaît Jean-Rémy Dumont, président de l’Union des ingénieurs hospitaliers en restauration (Udihr) et responsable de la restauration aux Hospices civils de Lyon. Les arguments de santé publique et de transition écologique, eux, ont bien été entendus. « Une alimentation saine passe par un rééquilibrage du contenu de l’assiette, avec davantage de protéines végétales, explique-t-il. Les menus végétariens sont aussi un levier important pour réduire l'empreinte carbone de la restauration collective. »

Le menu végétarien, pour une alimentation saine et durable

Ces bénéfices de la végétalisation de l'alimentation ont été chiffrés par le Shift Project dans son rapport « Décarbonons la santé pour soigner durablement ». Le secteur de la santé représente 49 millions de tonnes d’équivalent CO2, soit 8 % des émissions de gaz à effet de serre du pays. L'alimentation y est le troisième poste d'émission de gaz à effet de serre (11 %), juste après les achats des médicaments et dispositifs médicaux (29 % et 21 %) et devant les transports des personnels et patients (9 %).

Ce sont les aliments d’origine animale – en particulier la viande rouge – qui sont responsables de la plus grande part des émissions du poste alimentaire. Plus les repas sont faibles en protéines animales, moins leur impact environnemental est élevé. Au point que pour atteindre les objectifs climatiques des accords de Paris (limiter l'augmentation de la température à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels), il n’y a pas d’autre choix que de végétaliser drastiquement l’alimentation.

Deux fois trop de viande dans les plateaux-repas

Convaincu de « l’absence d'opposition entre la santé humaine et la santé planétaire », Guillaume Fond, en collaboration avec l’ingénieur chargé de la restauration Christophe Mari, a encouragé une division par deux de la quantité de viande rouge servie sur les plateaux-repas de l’AP-HM. « Jusqu'ici, on donnait un kilo de viande par semaine aux patients, alors que les recommandations de santé publique préconisent au maximum 500 grammes », déplore le psychiatre.

Le CHU de Brest vient quant à lui de mettre en place un « jeudi vert » 100 % végétarien, ce qui devrait lui permettre de réduire ses émissions de 261 tonnes de CO2 par an. Celui de Nice a déjà formé 20 de ses cuisiniers à la cuisine végétarienne et végétalienne. Outre-Atlantique, les hôpitaux de New York proposent depuis septembre 2022 des repas entièrement végétaliens par défaut, avec un taux de satisfaction des convives de 95 %.

Un besoin criant de formation

Plus qu’une garniture, il s’agit de proposer des repas appétissants, rassasiants et de qualité. « C'est un sujet assez récent pour les ingénieurs hospitaliers en restauration, reconnaît Jean-Rémy Dumont. On a tous plus ou moins été formés sur des bases de cuisine traditionnelle française. On manque encore de recettes, et donc de formations qui nous permettraient de proposer du végétarien équilibré et à budget constant. »

La plateforme gouvernementale Ma Cantine, dont l’objectif est d’accompagner la transition alimentaire des acteurs de la restauration collective, fournit déjà un livret de recettes faisant la part belle aux légumineuses et céréales comme les fèves, le soja, le petit épeautre ou le millet. Au menu : curry de butternut et lentilles, poêlée de riz aux haricots rouges, tajine de pois chiches aux légumes rôtis…

Pour Laure Mardoc, de l’institut de formations professionnelles en cuisine végétarienne Cap Veggie, le succès des plats végétariens réside dans quatre éléments clés : la texture (« apporter de la mâche permet de recréer l’expérience viande à laquelle les convives sont habitués »), le gras, les saveurs (« il faut booster la palette aromatique du plat, par l’ajout d’épices et autres condiments ») et l’umami, un goût spécifique présent dans la sauce soja, les tomates cuites ou encore les champignons. Déjà sollicité par le CHU de Lille ainsi qu’une clinique spécialisée dans les maladies cardiovasculaires, Cap Veggie vient d’ajouter à son catalogue une formation de cinq jours répondant aux obligations des lois EGAlim et Climat et Résilience : « Mettre en place son menu végétarien quotidien ».

Axelle Playoust-Braure

Source : Le Quotidien du médecin