Troubles du comportement alimentaire

S'appuyer sur le corps pour en assurer la prise en charge psychiatrique

Par
Publié le 13/03/2017
Article réservé aux abonnés
L'art

L'art
Crédit photo : Phanie

Les troubles du comportement alimentaire (TCA) sont trop souvent considérés sous deux angles distincts : les troubles psychiatriques (conduites compulsives, addiction à la perte de poids…) d'une part, et les problèmes somatiques (dénutrition sévère, obésité…), d'autre part. Or, dans les TCA, le corps et l'esprit ne font qu'un, ils sont interdépendants. Ces troubles demandent ainsi une prise en charge multidisciplinaire et intégrative. « Le cerveau est un organe du corps humain. Dans notre vie, nous rencontrons des expériences sensorimotrices que nous intégrons. Ces expériences sont réactivées par certaines situations et par nos liens sociaux. Cela explique que notre corps, nos cognitions et nos émotions sont inséparables », souligne le Dr Sylvain Iceta, psychiatre au Centre référent pour l'anorexie et les TCA (CREATYON) des Hospices Civils de Lyon.

L'intérêt de l'électroencéphalographie (EEG)

Plusieurs techniques nouvelles, alliant corps et esprit, peuvent aider le patient atteint de TCA à améliorer ses symptômes. C'est, par exemple, le cas du neuro feedaback qui repose sur l'enregistrement de l'activité des neurones à l'aide d'électrodes placées sur le cuir chevelu du patient (EEG) et sa restitution au patient. D'abord utilisé dans le traitement de l'épilepsie, puis dans le stress posttraumatique, l'EEG tente de rééduquer l'activité cérébrale. « Concrètement, par le biais de l'EEG, nous demandons au patient de modifier quelque chose sur un écran. Ce dernier retransmet un signal biologique (activité cérébrale) en un signal visuel (tracé, image) compréhensible par le patient. Nous lui demandons, par exemple, de faire tourner le bonhomme qu'il voit sur l'écran à droite ou à gauche. Il doit, pour cela, élaborer une stratégie qui va lui permettre d'améliorer son fonctionnement cérébral », relate le Dr Iceta. Dans l'anorexie mentale (AM), les patients présentent une asymétrie dans l'activation corticale en EEG de repos. Cette asymétrie ne disparaît pas totalement après reprise de poids. « Les patients atteints d'AM auraient aussi une activité frontale réduite pour les ondes alpha (reflets de leur dysrégulation émotionnelle) et accrue pour les ondes bêta lorsqu'ils sont dénutris. Le neuro feedback peut permettre de rééduquer ces ondes et donc d'obtenir une amélioration du comportement alimentaire et de la régulation émotionnelle », note le Dr Iceta.

rTMS, tDCS et EMDR

Les techniques de neurostimulation telles que la stimulation magnétique transcrânienne (rTMS) -machine induisant un champ magnétique engendrant une dépolarisation des neurones permettant d'activer ou d'inhiber des zones ciblées- et la stimulation transcrânienne à courant direct (tDCS) permettent de cibler des zones cérébrales altérées dans les TCA telles que le cortex préfrontal. « Des travaux récents ont montré l'intérêt de la tDCS sur les symptômes boulimiques, et notamment sur l'envie irrépressible d'aliments sucrés », précise le Dr Iceta. Initialement utilisé dans le traitement du stress posttraumatique, l'EMDR (traitement qui désensibilise le souvenir traumatique et permet son retraitement par le biais de mouvements oculaires guidés) est également intéressant chez les patients souffrants de TCA dont une grande partie a souffert de violences et/ou d'abus sexuels dans l'enfance. Enfin, les thérapies fondées sur la pleine conscience (Mindfulness) -reposant sur l'acceptation de ce qui est présent au niveau cognitif, émotionnel et corporel, par le biais d'un ancrage corporel et respiratoire- peuvent aider les patients atteints de TCA à appréhender différemment leurs émotions, leur impulsivité et donc, leur alimentation émotionnelle.

D'après un entretien avec le Dr Sylvain Iceta, psychiatre au Centre référent pour l'anorexie et les TCA (CREATYON) des Hospices Civils de Lyon

Hélia Hakimi-Prévôt

Source : Nutrition