Troubles des conduites alimentaires

Un dépistage précoce est nécessaire

Publié le 14/03/2016
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Depistage

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Crédit photo : Phanie

Le premier pic de fréquence des troubles des conduites alimentaires (TCA) se situe entre 13 et 18 ans ; un deuxième est également observé entre 16 et 25 ans. Les jeunes femmes concernées sont, le plus souvent, amenées à consulter leur médecin traitant pour des troubles caractéristiques de TCA : absences de règles ou règles qui ne reviennent pas. « Face à ce type de symptôme ; le médecin ne doit, en effet, pas hésiter à questionner sa patiente sur son alimentation, sa vie relationnelle et affective », affirme le Pr Maurice Corcos, psychiatre à l'Institut mutualiste Montsouris (IMM), à Paris. D'autres signes peuvent également alerter le généraliste, notamment, une patiente qui fréquente une population à risque de TCA (milieux du mannequinat, de la danse, du sport...), qui a des antécédents de surpoids ou d'obésité, d'abus sexuels ou d'atmosphère incestueuse dans l'enfance, mais aussi, des antécédents familiaux de TCA, de dépression maternelle pendant la grossesse ou d'addiction.

 

Déni et retard de diagnostic

 


Tous ces éléments doivent orienter le diagnostic du médecin généraliste. « Des études récentes ont malheureusement montré que les médecins généralistes éprouvent des difficultés à questionner les adolescents sur leur alimentation. Ils pensent également trop souvent -à tort- que le pronostic des TCA est toujours mauvais. Il y a donc une dénégation voire un véritable déni de la maladie de la part du généraliste, du patient et de sa famille qui ne facilite pas la prise en charge des TCA », explique le Pr Corcos.
Les patients et leurs familles consultent les psychiatres spécialisés avec un retard conséquent, qui grève d'emblée le pronostic. Il faut, en effet, éviter le décalage fréquent de 3 à 4 ans entre le début de la restriction alimentaire et l'arrivée chez le psychiatre car une fois la dénutrition installée, la patiente adopte un vrai comportement de toxicomanie. « De fait, dans l'anorexie et la boulimie, les chercheurs ont observé, que le comportement des patientes ayant des TCA, s'accompagne de sécrétions de beta-endorphines cérébrales qui fixent biologiquement la dimension de leur trouble. Tout le travail du psychiatre consiste alors à déverrouiller cette toxicomanie psychologique, biologique et sociale », confie le Pr Corcos.

 

Une prise en charge globale

 


La prise en charge de l'anorexie et de la boulimie comporte deux leviers : la première, somatique, consiste à parvenir à un équilibre nutritionnel, à un sevrage de la patiente de sa conduite toxicomanique. « Par le contact et la discussion avec leur patiente, le psychiatre et le somaticien doivent obtenir un rééquilibrage nutritionnel pour pouvoir, dans un deuxième temps, étudier d'un point de vue psychothérapeutique, ce qui pose problème dans sa personnalité », précise le Pr Corcos.
Aujourd'hui, en France, 70% des patients souffrant de TCA -pris en charge par des équipes spécialisées- parviennent à soigner leur trouble. « La psychothérapie individuelle et la thérapie familiale, permettent l’expression de certaines angoisses générées par des craintes et des fantasmes, ou par la réalité d’un vécu traumatique, et de mettre un terme aux troubles alimentaires », conclut le Pr Corcos.

 

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Nutrition