Art culinaire chinois

Une cuisine aux vertus thérapeutiques

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Publié le 15/10/2018
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signe chinois

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Crédit photo : Yves Ledortz

L’une des plus anciennes traces de la cuisine chinoise date de la dynastie Zhou, qui a régné sur le pays dès le xie siècle av. J.-C. « L’une des recettes typiques de cette dynastie est le cochon de lait rôti », révèle Yu Zhou, conférencier spécialiste de la culture chinoise et auteur de La Baguette et la Fourchette (Fayard). En Chine, dès cette époque, alimentation et médecine étaient intimement liées. Les rois de la dynastie Zhou disposaient ainsi, au sein de leur cour, de médecins soignant par les aliments. « Nous pouvons considérer ces médecins comme les premiers diététiciens au monde. Ils avaient développé une médecine préventive, fondée notamment sur la nutrition », selon Yu Zhou.

Au vie siècle av. J.-C., un médecin chinois nommé Bian Que a propagé l’idée qu’il n’existe pas de frontière entre aliments et médicaments. D’après lui, une personne qui tombe malade doit, d’abord, se voir prescrire des aliments. Les médicaments ne sont administrés qu’ensuite en cas d’échec de la guérison par le biais de l’alimentation. « Cette tradition perdure en Chine. Les mères de famille enseignent, très tôt, à leurs enfants, les aliments qui sont bénéfiques pour la santé en fonction du temps, de la saison, du climat et de l’état de santé de la personne. Elles leur apprennent aussi à connaître ceux qui peuvent soigner les maladies les plus fréquentes », rapporte Yu Zhou.

Équilibrer le yin et le yang

Selon la tradition de la médecine chinoise, un être humain en bonne santé est une personne dont le yin et le yang sont en parfait équilibre, le yang étant associé aux forces actives et le yin aux forces passives. Certains aliments sont considérés comme yang (les produits épicés, notamment), d’autres comme yin (les légumes à feuilles vertes tels que le chou chinois ou le navet blanc). « Lorsque l’on tombe malade, cela signifie que notre yin et notre yang sont déséquilibrés. Ainsi, en fonction de chaque maladie, les Chinois savent quels types d’aliments (yin ou yang) ils doivent consommer. Par exemple, les boutons d’acné sont le signe d’un excès de yang (trop de feu). On évite alors de consommer des produits épicés, et on privilégie certains légumes réputés être yin », explique Yu Zhou.

Au wok ou à la vapeur

Le repas familial chinois comporte de 3 à 5 plats complémentaires. Afin que l’équilibre entre yin et yang soit conservé, les produits doivent être le plus diversifiés possible. Tous les plats sont présentés ensemble sur la table. « Le menu familial classique peut, par exemple, se composer d’une omelette à la tomate, de plusieurs plats de légumes sautés avec de l’huile de colza ou de soja, de crudités (salade de concombre en été, par exemple), de tofu, d’un plat de viande ou de poisson accompagné d’un bol de riz », indique Yu Zhou.

Les Chinois privilégient les viandes et les légumes sautés ou cuisinés à la vapeur. La rôtisserie n’est pas très développée, hormis le fameux canard laqué de Pékin. Certains condiments sont très prisés (gingembre, ail, ciboulette, sauce de soja, vinaigre et alcool de riz). En hiver, les plats présentés sont toujours chauds, et une soupe chaude est apportée en fin de repas. L’été, certains plats sont servis froids. « La découpe des produits est également très importante ; elle requiert une certaine dextérité », ajoute Yu Zhou.

Pour composer des menus diversifiés et respectant l’équilibre entre yin et yang, les Chinois peuvent s’inspirer du Classique interne de l’Empereur Jaune. « Cet ouvrage, compilé du ve au iie siècle av. J.-C., est le plus ancien traité de médecine en Chine. Il présente les bases de l’alimentation du pays, et reste, aujourd’hui encore, une référence pour les familles chinoises », confie Yu Zhou. Si les recettes diffèrent selon les régions, la Chine bénéficiant d’une grande diversité climatique et géographique, la mondialisation a, néanmoins, tendance à homogénéiser et occidentaliser la composition des repas.

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Nutrition