Sécuriser l’alimentation dans les pays du Sud

Une réflexion en vue d’une gouvernance mondiale est nécessaire

Publié le 22/10/2015
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Crédit photo : PHANIE

Les difficultés d’accès à l’alimentation liées aux crises, aux guerres, ou encore, au faible pouvoir d’achat des personnes pauvres sont les causes de la faim aujourd’hui ; la production agricole actuelle suffirait à nourrir l’ensemble de la planète. « Les « émeutes de la faim » de 2008 ont alerté les dirigeants du monde sur l’excessive volatilité des prix des matières premières agricoles. Les aliments de base étaient devenus trop coûteux pour l’habitant pauvre des grandes métropoles dans plusieurs dizaines de pays du Sud. Cela a conduit à quelques décisions partielles mais positives au niveau international », affirme Marion Guillou (1), présidente d’Agreenium, l’institut agronomique, vétérinaire et forestier de France.

Parmi celles-ci, l’Agricultural Market Information System (AMIS), décidé par le G20 en 2011, est un système ouvert d’informations mondiales partagées traitant des marchés agricoles, ayant pour but de prévenir les crises alimentaires en favorisant une meilleure anticipation des évolutions des marchés. Aux États-Unis ou en Europe, des mesures pour limiter la spéculation sur les marchés financiers des produits agricoles de base visent à éviter les pics de prix brutaux. « Le programme de sécurité alimentaire adopté en septembre 2013 par le parlement indien permet d’assurer aux deux tiers des 1,25 milliards d’Indiens un accès à 5 kg de riz, blé et autres grains par mois et par personne à des prix abordables. Mais ce type de grand programme n’est pas efficace », ajoute Marion Guillou.

Pour favoriser le développement rural et l’augmentation de la production agricole dans des régions très déficitaires, certains pays du Sud et organisations internationales misent désormais sur le financement de la recherche et de l’innovation en matière d’agriculture et sur la lutte contre les pertes et le gaspillage.

Commerce et environnement vont de pair

À l’avenir, la situation en matière d’alimentation, sera encore plus tendue dans les pays du Sud. « Une transition nutritionnelle est à l’œuvre partout dans le monde, y compris dans les pays en développement où, durant ces 40 dernières années, les rations alimentaires ont évolué avec beaucoup plus de matières grasses d’origine végétale et beaucoup moins de plantes diverses d’importance régionale. Déficits nutritionnels et obésité y cohabitent, désormais. Par ailleurs, la morbidité et la mortalité liées aux déséquilibres nutritionnels dans le monde ont dépassé celles liées aux maladies infectieuses. Cela devrait inciter davantage la FAO et l’OMS à s’intéresser ensemble, et en priorité, aux problématiques liées à la nutrition dans les pays du Sud », souligne Marion Guillou.

Dans les prochaines décennies, le réchauffement climatique devrait particulièrement impacter la production agricole de certaines régions du monde (Afrique Subsaharienne, Moyen-Orient, Afrique du Nord, Asie). Ces régions déficitaires dépendront, de plus en plus, des importations pour nourrir leur population. « Nous avons besoin de plus de règles internationales, à l’avenir, pour sécuriser les échanges agricoles et atténuer le réchauffement climatique source d’une variabilité et fragilité croissante des rendements des productions. Il faut, pour cela, progresser dans les négociations commerciales et environnementales. D’une part, les barrières à l’exportation devront être encadrées par l’organisation mondiale du commerce pour éviter les augmentations de prix soudaines qui sont liées par leur mise en place unilatérale, en cas de tension sur les marchés. Par ailleurs les négociations environnementales devraient donner les moyens aux pays en développement d’adapter leurs agricultures au changement climatique. Il en va de la sécurité alimentaire de chacun », conclut Marion Guillou.

Hélia Hakimi-Prévot

(1) Marion Guillou est co-autrice de L’Alimentation à découvert sous la direction de Catherine Esnouf, Jean Fioramonti, Bruno Laurioux. CNRS Éditions 2015; 328 pages.

Exergue si besoin :

« Les « émeutes de la faim » de 2008 ont alerté les dirigeants du monde sur l’excessive volatilité des prix des matières premières agricoles. Les aliments de base étaient devenus trop coûteux pour l’habitant pauvre des grandes métropoles dans plusieurs dizaines de pays du Sud ».


Source : Nutrition