Comportement alimentaire

Différencier l'anorexie précoce des autres troubles chez le tout-petit

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Publié le 22/05/2017
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Crédit photo : PHANIE

Le refus de s'alimenter peut se manifester dès les premières semaines de vie, dès lors qu'il existe un trouble de l'attachement mère/enfant.

« Ce trouble survient, chez le nourrisson, notamment lorsque la mère présente une maladie mentale (shizophrénie, dépression sévère) ou une addiction (toxicomanie). Le trouble de l'attachement du tout-petit entraîne un déficit nutritionnel, un retard de développement psychomoteur, et parfois, une dépression du nourrisson », souligne le Dr Marie-France Le Heuzey, pédopsychiatre à l'hôpital Robert Debré, à Paris. Contrairement aux idées reçues, un nourrisson peut, ainsi, dans certains cas, se laisser mourir de faim.

Des enfants à tempérament difficile 

Le trouble de l'attachement doit être pris en charge par une équipe pluridisciplinaire. Son diagnostic est très différent de l'anorexie infantile qui se manifeste plus tardivement : entre 4 et 6 mois, au début de la diversification alimentaire. « Si le trouble de l'attachement engendre un retard de développement psychomoteur ; ce n'est pas le cas dans l'anorexie infantile. En effet, le tout-petit anorexique est très vif et tonique : il hurle et s'oppose activement à son nourrissage. Les enfants souffrant d'anorexie sont souvent à tempérament difficile : ils éprouvent des difficultés pour acquérir l'alternance veille/sommeil ; faim/satiété... C'est la rencontre entre un bébé à tempérament difficile et d'une mère ayant des difficultés à s'adapter à ce tempérament (pour cause de fatigue, de manque de confiance en soi, de soucis familiaux, de troubles alimentaires...) qui engendre la survenue de l'anorexie chez le tout-petit », explique le Dr Le Heuzey.

Cette lutte entre l'enfant et sa mère culpabilise cette dernière et créé un véritable cercle vicieux qui diminue son estime de soi. « Le diagnostic d'anorexie infantile ne peut être posé que lorsque le refus de l'alimentation du tout-petit a un retentissement sur sa croissance. La prise en charge de ce trouble est pédiatrique et psychiatrique. Il faut améliorer la relation entre la mère et l'enfant et obtenir que les repas deviennent plus sereins pour éviter de devoir recourir à l' assistance nutritionnelle », note le Dr Le Heuzey. 

« Petits mangeurs », néophobes et enfants anxieux

Autre forme de trouble alimentaire, celle qui concerne les « petits mangeurs ». Il s'agit souvent d'enfants qui, dès les premiers mois de vie, ont un petit appétit. « Par exemple, ils ne terminent jamais leur biberon, ne tètent pas beaucoup, et au moment de la diversification, mangent peu, comparés aux enfants du même âge. Une question reste actuellement en suspens : "les petits mangeurs" peuvent-ils être considérés, en terme d'alimentation, comme une variation de la normale ? Ou, représentent-il une forme atténuée d'anorexie infantile ? », précise le Dr Le Heuzey. Une chose est sure : le médecin doit s'occuper de ces enfants dont le poids et la taille se situent en bas de la courbe de leur tranche d'âge. « Je vois trop souvent des "petits mangeurs" qui, à la puberté, ont une taille inférieure à celle espérée pour leur groupe d'âge. Il faut surveiller ces enfants le plus tôt possible, encourager et renforcer leur alimentation », recommande le Dr Le Heuzey. Les parents doivent, par ailleurs, être vigilants face aux enfants ayant développé une néophobie alimentaire. « Il faut leur présenter un aliment initialement rejeté au moins 10 fois, avant de considérer qu'ils ne l'aiment pas. Je vois, malheureusement, des enfants de 7/8 ans, en consultation, qui ne mangent que 3 ou 4 types d'aliments », déplore le Dr le Heuzey.

Certains refus alimentaires peuvent, en outre, être liés à un trouble post traumatique (après une intubation, une assistance nutritionnelle ou des parents incitant l'enfant à manger en lui introduisant, de force, une cuillère dans la bouche...). « Rien qu'à l'idée de devoir manger, ces enfants deviennent anxieux : ils se souviennent de certains gestes médicaux ou parentaux liés à l'alimentation. La prise en charge psychologique permet de les rendre plus sereins face à l'alimentation. Enfin, certaines situations médicales (prématurité, malformations cardiaques...) peuvent engendrer des difficultés alimentaires. Il faut s'en occuper qu'il y ait (ou pas) une maladie pédiatrique associée », indique le Dr Le Heuzey. 

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9583