Une relation entre bronchiolite du nourrisson et asthme est depuis longtemps suggérée, sans qu’on sache très bien si les infections virales hivernales provoquent l’asthme ou si elles y prédisposent. Avant l’âge d’un an, les bronchiolites sont surtout dues au virus respiratoire syncytial (VRS) et plus rarement au métapneumovirus, à la para-influenza ou au bocavirus. Après un an, les virus responsables des bronchiolites sont surtout les rhinovirus (RV) dont il existe plus de 100 sérotypes différents. Dans 50 % des cas, la bronchiolite à VRS est suivie d’épisodes répétés de sibilances (sifflements respiratoires asthmatiformes) jusqu’à l’âge de 13 ans. Par ailleurs, les épisodes d’infections virales avec sibilances chez le jeune enfant précèdent souvent le développement d’un asthme.
De plus en plus d’études suggèrent que les infections virales de la petite enfance pourraient favoriser la survenue d’un asthme. Une cohorte américaine rétrospective a suivi pendant 5 ans plus de 90 000 enfants nés entre 1995 et 2000, relevant les asthmes survenus entre 3,5 et 5,5 ans. Selon cette étude, un enfant qui a 4 mois au moment du pic hivernal d’infections virales a plus de risques d’attraper une bronchiolite qu’un enfant de 12 mois. Ces enfants ont aussi un risque plus élevé d’avoir un asthme à 5 ans (1). La même équipe a montré que, par rapport aux enfants qui n’avaient pas eu de bronchiolite, le risque d’asthme à 5 ans était d’autant plus élevé que la bronchiolite avait été sévère et nécessité une hospitalisation (2).
Des analyses virologiques et un suivi clinique ont été effectués pendant les 6 premières années chez près de 300 enfants dont au moins un des parents avait une allergie respiratoire (3). Les virus responsables des 454 épisodes d’infections virales avec sibilances relevées durant les trois premières années se répartissent en RV (48 %), VRS (21 %), virus para-influenza (12 %) et métapneumovirus (7 %). Une co-infection par plusieurs virus était observée dans 10 % des cas. Parmi les enfants qui ont eu des infections virales avec sibilances dans la jeune enfance, ceux qui avaient eu une infection à RV avaient plus souvent un asthme à 6 ans (90 % des enfants porteurs d’une infection à RV à 3 ans avec sibilances ont eu un asthme à 6 ans). Chez des enfants à haut risque, une infection à rhinovirus serait donc un important facteur prédictif d’asthme à l’âge de 6 ans.
Prévenir un asthme après une bronchiolite
Élucider les mécanismes qui expliquent la relation entre infections virales et asthme pourrait aider à prévenir la survenue d’un asthme après une bronchiolite. À ce jour, plusieurs théories ont été émises mais aucune n’est totalement satisfaisante. Il se pourrait que les virus induisent des lésions de l’épithélium favorisant l’asthme. Chez des enfants décédés d’une bronchiolite à VRS, il a été montré que l’importance du dommage épithélial était corrélée à l’importance de l’inflammation et de l’hyperréactivité bronchique (4). Il a aussi été constaté que les enfants asthmatiques ont des réponses antivirales différentes de celles attendues et l’hypothèse a été émise que cela pourrait être lié à une action au niveau des médiateurs de l’inflammation : leucotriènes, éosinophiles ou interleukines. Différents traitements agissant sur ces mécanismes ont été essayés pour limiter la survenue d’un asthme après bronchiolite mais les résultats sont décevants. Ainsi, le palivizumab (anticorps monoclonal) en prévention primaire diminue la fréquence des sibilances chez les enfants à risque mais l’effet est marginal et aucune des stratégies testées en prévention secondaire (montélukast, corticoïdes inhalés, azithromycine) n’a réellement montré d’efficacité.
Réduire l’utilisation de paracétamol pour prévenir l’asthme ?
Le paracétamol est l’analgésique-antipyrétique le plus utilisé chez l’enfant. Or, plusieurs publications récentes suggèrent que la prise de paracétamol pourrait être associée au risque d’asthme chez l’enfant. Ainsi, des sous-analyses de l’étude ISAAC (International Study of Asthma and Allergies in Childhood) ont été réalisées chez environ 200 000 enfants de 6-7ans (5) et 300 000 adolescents de 13-14 ans (6) atteints d’asthme, de rhinoconjonctivite et/ou d’eczéma. Dans ces deux analyses, la prise de paracétamol a été associée au risque d’asthme, de rhinoconjonctivite et d’eczéma chez l’enfant, lorsque le paracétamol était pris durant la première année de vie et chez l’adolescent qui avait pris du paracétamol pendant les 12 mois précédents. Dans une autre étude qui a suivi plus de 1 000 nouveau-nés éthiopiens (7), le risque d’asthme à 3 ans était multiplié par deux chez les enfants qui avaient pris de un à trois comprimés de paracétamol par mois à l’âge d’un an et par 7 chez les enfants qui en avaient pris plus de 4 par rapport à ceux qui n’en avaient jamais pris. Cet effet du paracétamol pourrait s’expliquer par une déplétion en glutathion (antioxydant) aboutissant à une augmentation de la réponse inflammatoire. Il inhiberait ainsi la réponse immunitaire aux infections virales.
D’après la communication de Christiane de Boeck (Louvain-Belgique)
(1) Wu P et coll. Am J Respir Crit Care Med. 2008;178(11):1123-9.
(2) Caroll KN et coll. J Allergy Clin Immunol. 2009;123(5):1055-61.
(3) Jackson DJ et coll. Am J Respir Crit Care Med. 2008;178(7):667-72.
(4) Mohapatra SS et Boyapalle S. Clin Microbiol Rev. 2008;21(3):495-504.
(5) Beasley R et coll. Lancet 2008;372(9643):1039-48.
(6) Beasley RW et coll. Am J Respir Crit Care Med. 2011;183(2):171-8.
(7) Amberbir A et coll. Am J Respir Crit Care Med. 2011 Jan 15;183(2):165-70.
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