Rythmes scolaires

Le gouvernement expérimente ou tergiverse ?

Publié le 26/05/2010
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Crédit photo : AFP

EN ANNONÇANT l’expérimentation d’un nouveau rythme scolaire, le ministre de l’Éducation Luc Chatel a chamboulé le tempo qu’il avait pourtant lui-même donné. Le 15 avril dernier, il avait en effet annoncé l’installation d’une « conférence nationale sur les rythmes scolaires » censée travailler plusieurs mois sur « l’équilibre entre le temps de l’école, le temps de repos, les vacances, les activités sportives et culturelles ». Sans que l’on ait plus de détails aujourd’hui sur cette conférence, qui devrait toutefois être installée début juin, le ministre a donc annoncé, par le biais des médias, qu’il entendait expérimenter, dès la rentrée de septembre, dans une centaine de classes de collèges et de lycées volontaires, un nouveau rythme scolaire favorisant le sport l’après-midi. L’objectif est de concentrer toutes les heures de cours sur les matinées, soit quatre à cinq heures de classe chaque matin, et de réserver les après-midi au sport détente, à l’image de ce qui est fait en Allemagne. Selon le ministère, il n’y a pas moins de cours mais ils sont répartis différemment et surtout plus concentrés.

Maltraitance.

« Comme d’habitude, on tronçonne les questions sans les résoudre », regrette Hubert Montagner, psychophysiologiste dans le domaine du développement de l’enfant et ancien directeur de recherche à l’INSERM. « Il s’agit d’un effet d’annonce, d’un coup de projecteur sur un point précis. Mais c’est la journée en entier qu’il faut considérer », laquelle est, selon lui, bien trop chargée. Cette expérimentation « n’a pas de sens » si l’on ne modifie pas parallèlement les programmes, qui sont « démentiels ». Au mieux, dénonce-t-il, « les enfants sont épuisés », au pire, « ils sont largués », dégoûtés de l’école. Et ce n’est sans doute pas la suppression des allocations familiales (même si le président Nicolas Sarkozy vient de préciser qu’elles pourraient être « versées rétroactivement » dans le cas du retour de l’élève sur les bancs de l’école) qui constitue une solution de fond à ce désamour de l’école.

« Il serait temps que le gouvernement arrête de maltraiter les enfants », estime Hubert Montagner, auteur de « l’Arbre enfant - Une nouvelle approche du développement de l’enfant » (Éd. Odile Jacob). Sans renoncer à la bataille, il se sent cependant découragé par le manque de courage politique. Alors que la semaine de 4 jours fait l’unanimité contre elle chez les spécialistes, le ministère a indiqué qu’il allait encourager, dans la circulaire de la prochaine rentrée, les écoles à organiser la semaine en quatre jours et demi avec classe le mercredi. Encourager, mais sans aucune obligation et sans modification du texte de 2008 qui supprimait l’école le samedi matin (95 % des écoles avaient alors choisi d’aménager la semaine sur 4 jours).

« C’est embêtant », reconnaît également François Testu, professeur de psychologie à l’université François- Rabelais (Tours). « On a le sentiment qu’on détourne l’attention, qu’on ne va pas à l’essentiel », qui est de mettre l’enfant au centre de la réforme scolaire. Sur l’expérimentation, les questions restent nombreuses : Quels seront les contenus de la journée ? À quoi ressemblera la pause déjeuner ? Pourquoi ne prévoit-on que des activités sportives et pas culturelles ? Sur quoi se fondera-t-on pour tirer les leçons de cette expérimentation ? « Il n’y a rien de scientifique là-dedans », critique Hubert Montagner.

Même s’il se montre « très réservé », François Testu ne veut pas rejeter l’initiative a priori. Il aimerait que les pouvoirs publics aillent plus loin, avec, notamment, la création d’un observatoire du temps des jeunes. Une idée qui pourrait être reprise par la mission d’information sur les rythmes de vie scolaire en primaire lancée par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale. Présidée par Michèle Tabarot (UMP), elle doit examiner les durées (annuelle, hebdomadaire et quotidienne) du temps scolaire et les périodes de congés et devrait rendre ses conclusions fin juin.

STÉPHANIE HASENDAHL

Source : Le Quotidien du Médecin: 8777