Expertises psychiatriques : le gouvernement annonce des revalorisations pour les libéraux, la profession reste sur sa faim

Par
Publié le 13/09/2021
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : S Toubon

Alors que ce 14 septembre débute l'examen parlementaire d'un projet de loi gouvernemental visant à réformer le dispositif de l'irresponsabilité pénale, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a médiatisé ce 13 septembre plusieurs revalorisations de la rémunération des experts psychiatres et psychologues, lors d'un déplacement à la cour d'appel de Montpellier, où il a notamment participé à une table ronde avec les spécialistes concernés.

L'affaire « Sarah Halimi », du nom de cette sexagénaire de confession juive défenestrée par Kobili Traore, objet de pas moins de trois expertises psychiatriques, a en effet (re)mis le projecteur sur les difficultés de la discipline. Malgré une augmentation des demandes d'expertises (49 000 expertises psychiatriques et 39 755 expertises psychologiques ont été ordonnées en 2019), les experts sont toujours moins nombreux (moins de 400 ces dernières années), ce qui entraîne un allongement des délais, tandis que la qualité n'est pas toujours au rendez-vous. Depuis le printemps, trois travaux ont pointé la nécessité d'une réforme (le rapport Houillon-Raimbourg, une proposition de loi du sénateur Jean Sol et la mission d'information des députés Naima Moutchou et Antoine Savignat). « Il faut faire revenir les experts », a déclaré le garde des Sceaux.

Simplification des critères de l'expertise hors norme

Une première revalorisation concerne les psychiatres libéraux (25 % des experts psychiatres), les hospitaliers et les salariés bénéficiant du statut de COSP (collaborateurs occasionnels du service public) : le tarif de l'expertise « classique » passe de 429 euros à 507 euros, et celui appliqué en matière d'infraction sexuelle, auparavant supérieur de 20 euros, passe de 448,50 euros à 526,50 euros. Soit des augmentations respectives de 18 % et 17 %, a souligné le ministère de la justice. De leur côté, les experts psychologues libéraux (60 % de la profession) toucheront 390 euros au lieu de 370 euros (+ 5 %).

Une seconde mesure simplifie les conditions d'octroi, jugées jusqu'ici impossible à satisfaire, de l'expertise exceptionnelle. Elle sera désormais considérée hors norme, et donc donnant droit à un financement supplémentaire, lorsqu'elle comportera des questions inhabituelles nécessitant des recherches spécifiques, ou sera ordonnée dans une procédure complexe, ou dans un contexte particulier − ces critères étant alternatifs, et non plus cumulatifs. La condition géographique d'un déplacement de 200 km, par rapport au lieu de résidence de l'expert, très décriée, disparaît. Mais encore une fois, seuls les libéraux sont concernés, les experts COSP n'y étant pas éligibles.

Ces mesures qui ont fait l'objet d'un arrêté ministériel daté du 7 septembre et publiée au « Journal officiel » le lendemain, sont entrées en vigueur (de façon rétrospective) au début du mois.

Revalorisation aux assises pour tous soumise au Conseil d'État

Une troisième mesure devrait revaloriser l'indemnité de comparution aux assises des experts (libéraux et COSP indistinctement) et devrait la porter à 100 euros, contre 43,65 euros (+129 %). Un projet de décret est soumis au Conseil d'État. Le coût global de ces mesures est évalué par le ministère à quatre millions d'euros.

Un simple rattrapage pour les psychiatres

« Il s'agit d'un rattrapage, d'améliorations ponctuelles », commente le Dr Jean-Claude Pénochet, président du Syndicat national des experts psychiatres et psychologues (SNEPP).

Le doublement de l'indemnité de comparution aux assises ? « Insuffisante au regard de la charge et de la disponibilité que demande la déposition », analyse le SNEPP. Les autres revalorisations ? « Un simple rattrapage du différentiel des tarifs lié à la partie des charges non compensées des experts psychologues et psychiatres libéraux ». Seul l'assouplissement des conditions d'octroi de l'expertise hors norme recueille une approbation sincère, quoique le syndicat persiste à revendiquer l’éligibilité des COSP à cette mesure.

Selon le Dr Pénochet, ces revalorisations − qui ne manqueront pas d'être rappelées lors des débats à venir sur l'irresponsabilité pénale dans l'hémicycle − ne devraient pas occulter la nécessité d'une vraie « révision programmée du statut de l’expert, de l’amélioration des conditions d’exercice, de la rémunération et de la qualité de l’expertise ». Sur ce sujet, Éric Dupont-Moretti a fait part, lors de la table ronde, de son souhait de mener « une réflexion sur la méthodologie à utiliser pour les expertises psychologiques ; il serait temps qu’on ait une méthodologie unique », a-t-il indiqué aux professionnels.


Source : lequotidiendumedecin.fr