La France tranquille ?

Les benzodiazépines et des hypnotiques « en Z » (zolpidem et zopiclone) sont les principaux protagonistes du mésuage des hypnotiques et anxiolytiques, vaste famille de médicaments.

Selon les données les plus récentes, la consommation occasionnelle — au moins une fois dans l’année — concerne 13,4 % de la population, la consommation régulière (au moins 3 mois dans l’année, donc en dehors des recommandations), 3 à 4 %. Ce qui représente 117 millions de boîtes par an, avec, dans le top 3, alprazolam, zolpidem, bromazépam. La France a cédé la première place sur le podium de la consommation à l’Espagne, mais reste loin devant les autres pays européens, avec 71 doses unitaires par jour pour 1 000 habitants vs 47 pour la Norvège et 14 pour l’Allemagne.

Cela représente certes un progrès, puisque ces chiffres étaient de 25 et 30 % pour la consommation occasionnelle et 5 et 7 % en ce qui concerne la consommation régulière, dans les années 1980 et 2000 respectivement. De 2012 à 2015, la consommation a nettement diminué : — 5,7% pour les benzodiazépines en général, — 3,8% pour les benzodiazépines anxiolytiques et — 12,8% pour les benzodiazépines hypnotiques. Avec un bémol cependant, puisque la diminution du nombre de nouvelles prescriptions est très marginale. « C’est un facteur crucial si on veut modifier la prise en charge de ces patients. Mais on n’est pas encore au point pour les alternatives », regrette le Pr Antoine Pelissolo (Hôpital Henri–Mondor).   

L’âge moyen des utilisateurs est de 57 ans, la consommation est plus fréquente chez les femmes et augmente avec l’âge, ce qui n’est pas sans conséquences vu les effets secondaires. « Question centrale dans le parcours de soins : la prescription est réalisée par le médecin traitant dans 82 % des cas, et on aurait tout à gagner pour une bonne collaboration entre médecins généralistes et psychiatres » poursuit le psychiatre.

Le paracétamol de l’anxiété

La prescription occasionnelle raisonnée se conçoit dans les manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes, avec une prescription limitée à 12 semaines. Mais qu’est–ce exactement qu’une situation aiguë et comment va–t–elle évoluer dans le temps ? Les utilisations, même ponctuelles, exposent au risque d’accidents, d’impulsivité, de troubles cognitifs et respiratoires, de chutes. On estime que 3,4 % des accidents mortels de la route sont attribuables à une prise de médicaments dont la moitié aux benzodiazépines.

Celles-ci n’ont pas d'indication au long cours et cela ajoute, aux risques précédents, celui de dépendance, de syndrome de sevrage et peut–être de démence chez les sujets âgés. Rappelons que les benzodiazépines non seulement ne sont pas efficaces dans les troubles anxieux généralisés mais aussi potentiellement néfastes. Certains facteurs sont associés à une prescription prolongée : l’âge supérieur à 35ans, le fait de vivre seul, l’état dépressif, le bas niveau d’études, le bas revenu, l’absence d’activité professionnelle mais aussi et de façon très significative le stress au travail.

« Pour progresser dans la prévention et le traitement de la dépendance aux benzodiazépines, il faut développer des stratégies non médicamenteuses, mieux identifier les patients à risque de déraper, explique le Pr Pelissolo. L’effort doit tout particulièrement porter chez les sujets âgés, et en particulier les femmes, ainsi que les personnes ayant des facteurs psychosociaux de vulnérabilité : un avis spécialisé devrait être systématique dans ce cas ».

Session « Les médicaments en procès »