Douleurs rhumatismales : l’engrenage de l’imagerie

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Publié le 22/04/2022

Le modèle strictement biomédical « une douleur, une lésion » est inefficace dans bien des pathologies rhumatismales, et peut aggraver la situation par la fixation du patient sur des anomalies radiologiques, des a priori délétères sur l’activité physique et la recherche d’une solution interventionnelle.

Il existe une absence de corrélation entre la douleur et les anomalies sur l’IRM lombaire

Il existe une absence de corrélation entre la douleur et les anomalies sur l’IRM lombaire
Crédit photo : phanie

Classiquement, une plainte douloureuse a priori rhumatismale amène à réaliser une imagerie. Dans bien des cas, celle-ci montre des anomalies, dont il n’est pas sûr qu’elles soient pathologiques et encore moins responsables de la douleur. Par contre, des effets plutôt négatifs peuvent en découler : fixation du symptôme sur la lésion, anxiété, comportements aggravants, arrêt des activités physiques, consommation médicamenteuse et demande de gestes de type infiltration ou chirurgie. 

Une imagerie trop bavarde

En réalité, l’imagerie montre fréquemment des anomalies chez la plupart des personnes asymptomatiques, quelle que soit la localisation. Ainsi, une dégénérescence discale est retrouvée chez 37 % des personnes à 20 ans et 96 % à 80 ans, sans qu’elle n’ait de traduction clinique. La douleur ne se voit pas à l’imagerie ! Une étude de cohorte, menée chez plus de 3 000 personnes se plaignant de lombalgies, a clairement mis en évidence l’absence totale de corrélation entre la douleur et des anomalies sur l’IRM lombaire. Ce qui a amené la Haute Autorité de santé à rappeler, dans ses recommandations de 2019 sur la lombalgie, que l’imagerie ne doit pas être systématique. Ceci doit être expliqué au patient, de même que l’absence de corrélation anatomoclinique. Devant une lombalgie, une imagerie précoce, réalisée avant six semaines, augmente la douleur rapportée, la prescription médicamenteuse (en particulier d’opioïdes) et le nombre de consultations chirurgicales. Il n’y a pas non plus d’intérêt à faire une IRM de contrôle pour le suivi d’une sciatique, vu l’absence de parallélisme entre l’évolution clinique et celle de la hernie discale. Le radiologue doit veiller à la formulation de son compte rendu, que le médecin traitant doit « traduire » à son patient, certains termes pouvant induire chez le patient un « catastrophisme ». 

Des traitements peu probants

Au modèle « un symptôme, une lésion » fait écho « une lésion, un traitement ». Ce qui amène à prescrire des traitements dont l’utilité est loin d’être prouvée. Ainsi, dans des études menées en double aveugle dans la lombalgie aiguë, le paracétamol n’a jamais montré son efficacité. Même chose pour la prégabaline, pourtant largement prescrite.

Les conseils d’ergonomie pour la lombalgie sont aussi répandus qu’ils sont inefficaces, selon une revue Cochrane de 19 essais cliniques. Tout comme les recommandations concernant la nocivité supposée de certaines activités : la course à pied a longtemps été bannie en cas de lombalgies ou de gonalgies. Or, ceux qui pratiquent la course à pied ont finalement des disques intervertébraux en meilleur état que les sédentaires et une évolution plus favorable de la douleur et des lésions de la gonarthrose…

On peut être septique aussi sur le bénéfice apporté par les traitements interventionnels. Dans l’arthrose du genou ou les pathologies méniscales, une étude ne relève aucune différence sur la douleur entre les groupes placebo (une incision simple), le lavage articulaire ou autre geste chirurgical. Même conclusion dans les conflits sous-acromiaux, où la décompression arthroscopique sous-acromiale ne fait pas mieux que l’incision chirurgicale « blanche ».

Pour la Dr Isabelle Tavares (CHU de Montpellier), « il est temps d’envisager d’autres perspectives pour la prise en charge des pathologies douloureuses rhumatismales ».

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin