Pas de données robustes

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Publié le 01/07/2019
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Crédit photo : PHANIE

Plus de 1 000 études au départ et seulement 37 « recevables et valables » à l'arrivée ! Tel est le constat qu'a dressé le service d'évaluation des médicaments de la Haute Autorité de santé (HAS) chargé de statuer sur l'efficacité de l'homéopathie. Mais les 21 revues de la littérature, 10 essais contrôlés randomisés et 6 études d'impact de santé publique restantes ont échoué à démontrer une efficacité suffisante pour justifier un remboursement, quels que soient les symptômes ou les pathologies étudiées. En cause ? Peu d'études répondent aux critères d'évaluation. Elles présentent des niveaux de preuves faibles et des biais méthodologiques importants.

1 200 spécialités remboursables

Pour la commission de la transparence, la tache était relativement inédite de par son ampleur : 1 200 spécialités remboursables - 24 affections ou symptômes allant des candidoses vaginales à la gestion des évènements indésirables des thérapies anticancéreuses. Cette masse de travail a mobilisé le service d'évaluation du médicament de la HAS pendant 9 mois, à temps plein.

« Nous avons rencontré deux types de cas de figure, explique Mathilde Grange, directrice du service d'évaluation du médicament de la HAS. Soit les études ne montraient pas de supériorité de l'homéopathie par rapport au placebo, soit elles suggéraient un intérêt de l'homéopathie mais présentaient des limites méthodologiques qui ne permettaient pas de retenir leurs conclusions », par exemple, des effectifs faibles de patients au regard de la fréquence de la pathologie, etc.

Reste la question de l'évaluation de l'homéopathie, non pas pour son efficacité, mais pour son intérêt en santé publique. La HAS ne serait pas opposée à un remboursement sur la base d'un effet des granules sur la consommation médicamenteuse ou la qualité de vie, même sans effets quantifiables sur les symptômes. « Avec une bonne méthodologie, nous aurions pu donner un avis favorable, assure le Pr Dominique Le Guludec, présidente du collège de la HAS. Il existe des outils pour mesurer la qualité de vie des patients, elle peut se mesurer de façon acceptable. »

Tel a été l'objet de la vaste étude épidémiologique française EPI3. Celle-ci a comparé les caractéristiques de patients consultant des médecins homéopathes à celles de patients consultant des médecins ayant une pratique plus classique ou une pratique mixte.

Ce travail, financé par Boiron, a donné lieu à de nombreuses publications, dont une dans « Plos One », menée sur 518 adultes et enfants en France (cohorte EPI3-URTI) ayant un diagnostic confirmé d'infection des voies respiratoires supérieures (des rhinopharyngites dans 79,3 % des cas) (1). Les patients suivis par des homéopathes consommaient deux fois moins d'antibiotiques que ceux suivis par des médecins ne prescrivant pas d'homéopathie (risque relatif = 0,43) et près de deux fois moins d'anti-inflammatoires (risque relatif = 0,54). Pour autant, l'évolution des symptômes décrite par les patients interrogés n'était pas significativement différente dans les deux groupes. Des résultats similaires ont été trouvés en ce qui concerne les troubles musculo-squelettiques (EPI3-MSD) (2) et les troubles du sommeil et anxio-dépressifs (EPI3-SD et EPI-ADD).

« C'est une étude intéressante, juge Mathilde Grange, mais elle compare des pratiques et non des traitements. Les populations consultant un homéopathe ont des attentes particulières. Les données montrent qu'il s'agit plus souvent de femmes, que ces patients sont plus âgés et d'un meilleur niveau scolaire que dans les autres groupes. »

Au regard du reste de la littérature disponible, la HAS a conclu qu'il n'existait pas non plus d'étude robuste sur la qualité́ de vie des patients consommant des médicaments homéopathiques, la diminution du mésusage ou le nombre d'hospitalisations évitées.

(1) L Grimaldi-Bensouda et al, Plos One, DOI : https://doi.org/10.1371/journal.pone.0089990, 2014
(2) M Rossignol et al, Pharmacoepidemiology & drug safety, DOI : https://doi.org/10.1002/pds.3316, 2012

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9762