Top départ pour le pancréas artificiel ?

Publié le 03/04/2020
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On touche enfin du doigt la révolution du pancréas artificiel ! Le dispositif français Diabeloop DBLG1 devrait en effet être commercialisé d’ici à quelques mois, dès qu’auront abouti les négociations avec le Comité économique des produits de santé. Il a d’ores et déjà obtenu l’aval de la Haute Autorité de santé (HAS).

D’autres systèmes ayant le marquage CE et/ou l’autorisation de la Food and Frug Administration (FDA) sont aussi dans les starting-blocks. Quel que soit l’état d’avancement de chacun – cinq candidats sérieux dans le monde se pressent sur la ligne d’arrivée –, le feu vert de la HAS pour le premier d’entre eux est un signe que les autorités de santé françaises considèrent cette boucle fermée comme une innovation nécessaire aux patients. Le principe est de mimer la fonction de sécrétion d’insuline par le pancréas, au moyen d’un capteur de glycémie en continu et d’un algorithme d’intelligence artificielle (IA) qui calcule la dose d’insuline adéquate et commande sa délivrance automatique par une pompe.

Après plus d’une décennie de recherches, les avantages de ces dispositifs ont été démontrés au quotidien, dans la vraie vie (3-6 mois en ambulatoire). « En général, la performance de ces boucles fermées sur la glycémie est meilleure comparée à la pompe ou aux injections seules, avec moins de contraintes, résume le Pr Éric Renard (Montpellier). Le principal bénéfice est de maintenir la glycémie dans une zone proche de la normale sans induire d’hypoglycémie, avec un autre bénéfice majeur : un contrôle glycémique nocturne efficace sans hypoglycémies et une glycémie normale au réveil ». D’après les conclusions de deux méta-analyses parues en 2017 et 2018 regroupant plusieurs dizaines d’études et plus de 1 000 patients (adultes et enfants), ces dispositifs permettent aux patients de rester plus de 70 % du temps dans la cible de glycémie fixée (entre 70 et 180 mg/dl). Plus précisément, le gain est de 10 à 15 % de temps de plus dans la cible glycémique par rapport au pilotage par le patient de sa pompe à insuline, à partir des données d’un capteur de mesure continue du glucose. « Ce qui signifie que les patients passent en moyenne 2 à 3 heures de plus par jour dans la cible, analyse le Pr Hélène Hanaire (Toulouse), avec une réduction de moitié du temps passé en hypoglycémie, soit 20 à 30 minutes de moins par jour. »

Boucle fermée ou prise en charge traditionnelle, dans tous les cas l’éducation thérapeutique du patient diabétique reste indispensable. En effet, le mode pilotage entièrement automatique sous-tendu par le terme même de « pancréas artificiel » n’est pas encore de mise : avec certains dispositifs, le patient doit effectuer des glycémies capillaires plusieurs fois par jour pour calibrer le capteur ; tous imposent de renseigner repas et activités physiques, de tolérer les alertes (resucrage, corrections, calibrations supplémentaires) et de savoir identifier les incidents comme une obstruction de cathéter ou la perte de connexion, une préoccupation loin d’être anecdotique.

Autre bémol : « dans son avis de février 2020 sur le système Diabeloop, la HAS l’a réservé aux diabétiques de type 1 ayant une HbA1c > 8 %, c’est-à-dire en échec du système classique pompe/capteur. Or l’ensemble des études a montré que la boucle fermée était bénéfique pour tous les malades, quel que soit leur niveau d’hémoglobine glyquée de base, conteste Eric Renard. Pourquoi en priver un diabétique exemplaire qui se maintient dans la cible et qui s’expose aux hypoglycémies et le réserver à des personnes qui ont, au contraire, déjà des difficultés à gérer leur diabète, avec pour certains des problèmes éducatifs et d’acceptation de la maladie ? »

Entre science et considérations économiques, la Société francophone du diabète plaide pour un accès plus large à ce système. Elle publiera un référentiel sur le sujet courant 2020.


Source : lequotidiendumedecin.fr