Laura Létourneau, déléguée ministérielle au numérique en santé

« Nous n’avons pas laissé les médecins seuls face à leurs éditeurs »

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Publié le 10/12/2021
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La déléguée ministérielle au numérique en santé défend l'ergonomie et la simplicité du nouvel espace santé et invite tous les médecins à jouer le jeu.

Crédit photo : DR

Le QUOTIDIEN : 17 ans après son lancement, le DMP n'a connu qu'une série de faux départs. Pourquoi êtes-vous convaincue que cette fois-ci, c’est la bonne ?

LAURA LETOURNEAU : Le dossier médical partagé n’a pas été jeté à la poubelle mais il est intégré dans « Mon espace santé » de manière beaucoup plus ergonomique. Car tout le monde s’accorde à dire que c’est un outil essentiel de prévention et de diagnostic. Le DMP a été totalement refondu pour le rendre plus simple : le patient pourra ajouter ses documents via une simple photo et le professionnel de santé pourra les retrouver plus rapidement. Grâce aux investissements du Ségur du numérique, tous les logiciels métier seront raccordés au dossier médical de « Mon espace santé », pour que l’alimentation puisse être automatique pour ceux qui le souhaitent. Dès lors qu’un document ayant vocation à être dans le DMP sera dans le logiciel métier, il l’alimentera en zéro clic ! La nouveauté, c’est que nous n’avons pas laissé les médecins seuls face à leurs éditeurs, nous avons traduit leurs exigences de professionnels en exigences techniques.

Le lancement de « Mon espace santé » est prévu courant janvier. Tous les logiciels métier des libéraux y seront-ils raccordés dès le début de l’année ?

Il existe déjà de nombreux logiciels compatibles, beaucoup de médecins pourront y avoir accès dès le début. Pour les autres, cela prendra quelques mois. J’incite tous les médecins à contacter leurs éditeurs au plus vite pour leur demander si leur logiciel sera bien « référencé Ségur » et, dans ce cas, ils peuvent le commander immédiatement, avec un reste à charge zéro. Les éditeurs auront jusqu’au 15 octobre 2022 pour installer une version conforme en médecine de ville. Nous avons beaucoup de retard à rattraper pour mettre à jour tous les logiciels d’un coup. Ce sont les 12 travaux d’Hercule !

Quel est l'objectif du nombre de « Mon espace santé » en 2022 ?

Entre janvier et mars 2022, un courrier ou un e-mail sera envoyé aux 67 millions de Français. Puis, sauf opposition de leur part, « Mon espace santé » sera créé dans les 6 semaines qui suivent. Donc si tout va bien, nous aurons 67 millions de « Mon espace santé » ouverts d’ici au mois de mai, moins ceux des assurés qui s'y seront opposés. Dans les départements pilotes, le nombre d’ouvertures a explosé, ce qui entraîne un cercle vertueux. Par exemple, les médecins hospitaliers ne se posent même plus la question de savoir s’il y a un DMP car c’est presque toujours le cas et ils peuvent ainsi pousser tous les documents nécessaires dans « Mon espace santé ».

Comment comptez-vous faire pour que tous les médecins jouent le jeu ?

Déjà, d’un point de vue équipements, nous les finançons. Et s’il y a un message à faire passer, c’est qu’il ne faut pas rater le coche : on s’occupe pour eux, sans reste à charge, des mises à jour logicielles, dès lors qu’ils la commandent au plus vite. C’est une offre à durée limitée ! Et puis, nous travaillons avec la Cnam à l’accompagnement et à la formation des médecins au numérique en santé.

Avec la messagerie sécurisée et l’alimentation du dossier par le malade, ne craignez-vous pas que les médecins soient abreuvés de notifications ?

Les alertes auront surtout lieu dans l’autre sens : les patients recevront un message lorsque leur dossier sera alimenté, ou consulté par un nouveau professionnel de santé. Par ailleurs, la conversation dans la messagerie médecin et patient ne pourra être initiée que par le praticien.

Il est important de comprendre que le partage des données de santé va se généraliser au bénéfice des patients mais aussi des professionnels de santé, pour faire plus facilement leur travail, poser le bon diagnostic et exercer de façon coordonnée. Le tout dans un cadre sécurisé, éthique, 100 % hébergé en France. C’est le beurre et l’argent du beurre : on accentue les usages tout en garantissant un cadre sécurisé par l’État.

Propos recueillis par L. G.

Source : Le Quotidien du médecin