La saga du virus au Brésil

Comment Zika a fait flamber Rio

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Publié le 18/04/2016
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ZIKA

ZIKA
Crédit photo : PHANIE

De précédents travaux pointaient la coupe du monde de football en juin 2014. Patricia Brasil et ses collègues de la Fondation Oswaldo Cruz de Rio Janeiro pensent que c'est le championnat du monde de canoë-kayak en août 2014 qui aurait attiré Zika au Brésil. C'est du moins ce que suggère leur étude, publiée dans « PLOS Neglected Tropical Diseases », sur l'histoire de la propagation du virus sur le continent américain.

Les chercheurs ont pour cela analysé les prélèvements sanguins 119 patients positifs au test du virus Zika entre janvier et juillet 2015. Et l'analyse génétique de dix échantillons pris au hasard sur les 119 a révélé des similarités entre la souche brésilienne du virus et un génotype asiatique. Elle a également déterminé que le virus circulait déjà en janvier 2015 à Rio. Les experts brésiliens supposent qu'en 2014, au moment de cet événement sportif, des équipes des îles du Pacifique où Zika sévissait déjà l'ont apporté dans leur sillage. Pour argument, les quelque 11 % d'individus infectés au début de l'épidémie américaine sont originaires du nord-est du Brésil, avancent les chercheurs, région où a eu lieu la compétition.

 

Dans la lignée asiatique du virus

 

Une équipe sino-américaine, associant l'Académie de médecine de Pékin et l'université de Los Angeles, s'est penchée quant à elle sur l'évolution philogénétique de Zika, à travers le séquençage de 40 souches du virus : 30 humaines, 10 isolées chez le moustique et une sur le singe. Les résultats, publiés dans la revue « Cell Host & Microbe », confirment la parenté du virus actuel avec la lignée asiatique de Zika isolée pour la première fois en Malaisie en 1966, très différentes de la souche africaine dont l'origine remonte en 1968 au Nigeria. Ils mettent aussi en lumière des variations significatives des séquences nucléotidiques et en acides aminés du virus au cours du dernier demi-siècle qui éclairent sur sa pathogénicité. « Ces changements ont pu renforcer sa capacité à se dupliquer plus efficacement, à envahir de nouveaux tissus et à tromper le système immunitaire », souligne le Pr Genhong Cheng, principal auteur de l'étude. Ce qui pourrait expliquer selon lui « la propagation exponentielle du virus au sein de la population en Amérique du Sud et dans les Caraïbes ». Et de mettre en garde contre le risque que l'épidémie de Zika s'étende encore lors des Jeux Olympiques de Rio cet été. Ce qui favoriserait sa dissémination vers l'Europe et les États-Unis.

 

Des cas attendus en france mais pas d'épidémie

 

La menace est en tout cas prise au sérieux par les autorités sanitaires américaines qui pour faire face à ce virus devenu « plus inquiétant » ont réclamé des fonds supplémentaires au Congrès. Cependant, les experts réunis à Amsterdam pour la conférence européenne sur les maladies infectieuses estiment qu'il n'y a aucune raison de paniquer. Selon eux, les infections dues à ce virus seront localisées et de courte durée. Une opinion partagée par le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l'Agence nationale de recherches sur le SIDA et les hépatites virales (ANRS) et directeur de l'Institut Microbiologie et maladies infectieuses : « Il n'y a pas de donnée nouvelle qui suggère de s'affoler. Il est certain que nous verrons des cas de Zika en France dans les mois qui viennent, mais il n'y aura pas de pandémie. Notre système global de sécurité sanitaire ne laisse pas de crainte à ce sujet ».

 

Betty Mamane
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Source : Le Quotidien du médecin: 9489