« L’ANNÉE 2010 restera pour l’accès aux soins en France une étape supplémentaire dans la stigmatisation et le rejet des plus vulnérables. » Le rapport de l’Observatoire de Médecins du monde est autant un réquisitoire contre les politiques sécuritaires qui ont éclos en 2010 qu’un sombre témoignage sur la situation sanitaire des plus démunis, fondé sur l’expérience des 21 centres d’accueil de soins et d’orientation (CASO) et des équipes mobiles. Dégradation des conditions de logement, multiplication des expulsions massives de familles roms, loi de juin 2011 sur l’immigration qui autorise le renvoi de malades étrangers dans leur pays dès que le traitement y est présent (même s’il est inaccessible), remise en question de l’aide médicale d’État... Les réponses publiques ont jeté dans la misère les personnes déjà fragilisées par la crise, estime MDM.
Selon les données de l’Observatoire de l’organisation non-gouvernementale , présente dans 30 villes françaises avec 103 programmes, tous les indicateurs sont désormais dans le rouge. Premier constat, les consultations médicales et dentaires sont en constante augmentation : les CASO ont ainsi reçu 28 160 personnes différentes en 2010 et effectué 42 525 consultations, soit 10 % de plus qu’en 2008. Ce sont majoritairement des jeunes (69 % ont moins de 40 ans) étrangers ( à 98 %). Leurs conditions de vie sont extrêmement précaires et tendent à se dégrader, notamment à cause du logement. Ils ne sont que 23 % à disposer d’un habitat stable, soit 45 % de moins qu’il y a 10 ans. Mais stable ne signifie pas salubre : 31,6 % des logements qu’ils occupent sont jugés dangereux pour la santé, contre 27,4 % en 2008. Les demandeurs d’asile sont les plus discriminés : seulement 12 % ont un domicile fixe. 19 % sont à la rue (c’est 2 points de plus qu’en 2009).
Dans ces conditions, leur accès aux soins est minime et leur santé sinistrée. La couverture vaccinale des patients reçus en CASO est faible, fait dramatique dans un contexte de retour des « endémies de la misère » (rougeole et la tuberculose). Selon les vaccins, les taux varient de 28 à 45 %, la couverture étant très basse pour l’hépatite B (contre qui seulement 28 % des personnes sont vaccinées). Dans la population rom, la couverture est encore plus restreinte : selon une précédente étude, 8 % d’entre eux ont un carnet de santé confirmant que leurs vaccins sont réellement à jour.
L’Observatoire dénonce ensuite un retard aux soins considérable. Près d’1 patient sur 4 se soigne trop tardivement, à cause des nombreux obstacles qui se dressent dans l’accès aux droits. Et ce chiffre explose depuis 2007 où ils n’étaient qu’1 sur 10. Pourtant, 45 % nécessiteraient une prise en charge d’une durée d’au moins 6 mois. Car les pathologies, en l’absence de toute prévention, sont lourdes et les facteurs de risque importants. La prévalence du VIH atteint 2,6 % dans les 2 CASO d’Ile-de-France. C’est 11,7 fois plus que la moyenne nationale. Celle de l’hépatite B est de 6,5 %, 9,9 fois plus que la moyenne. La prévalence de la tuberculose est de 1,3 % contre 0,015 % en population francilienne générale. Et plus de 12 % des patients présentent une pathologie psychologique ou psychiatrique, estiment les médecins des consultations médicales.
Femmes et enfants en danger
Près d’1 femme sur 10 reçues dans les CASO en 2010 était enceinte. En situation de grande précarité (23 % ont un logement stable, 9 % sont sans domicile, 94 % n’ont pas de couverture maladie), plus de la moitié accuse un retard de suivi de grossesse et seulement 32 % d’entre elles ont accès aux soins prénataux classiques.
Quant aux mineurs, l’Observatoire s’alarme de l’augmentation de 30 % de leur effectif depuis 2008. Ils représentent en effet près de 12 % des patients reçus dans les CASO. Parmi eux, 1 sur 10 est à la rue, et seulement 2 sur 10 vit dans un logement stable, encore celui-ci est-il souvent néfaste pour la santé ou surpeuplé. Comme les adultes, leur état de santé est souvent déplorable. Seul un tiers des moins de 6 ans sont à jour dans leurs vaccinations.
Face à ce tableau de la misère sociale et sanitaire, l’Observatoire de MDM ébauche plusieurs pistes de réflexion en faveur d’une « conception humaniste de l’accueil et du soin fondée sur un système de santé solidaire ». L’ONG souligne à de multiples reprises la pertinence des dispositifs de permanence d’accès aux soins de santé (PASS), qui prennent en charge des patients dépourvue de couverture maladie. « Dans les villes où des PASS fonctionnent correctement au sein des hôpitaux, les équipes de MDM constatent que le nombre de patients venus pour consulter un médecin diminue », peut-on lire dans le rapport. L’Observatoire appelle donc au développement de ces structures, notamment celles spécialisées dans les soins bucco-dentaires et psychiatriques. Contre le retour de la rougeole ou de la tuberculose, des campagnes de vaccinations sur les lieux de vie, soutenues par les services publics, doivent être organisées. MDM demande en outre à l’État de faciliter les démarches administratives pour obtenir l’Aide médicale d’État ou la Couverture maladie universelle, qui devrait être étendue à tous les mineurs sans délais d’instruction. Enfin, l’ONG souhaite l’arrêt de toute politique d’immigration sécuritaire, qui, selon elle, entrave le travail des humanitaires (à Calais, Dunkerque, Mayotte) et stigmatise les plus pauvres.
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