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Des syndromes hétérogènes difficiles à étudier

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Publié le 02/04/2021
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Plusieurs projets d’étude des symptômes persistants à distance de la phase aiguë du Covid-19 sont en cours en France. Mais le travail s’annonce long et compliqué, compte tenu de l’abondance de présentations cliniques.
Un millier de patients atteints de Covid long est suivi dans le cadre de l’étude Cocolate

Un millier de patients atteints de Covid long est suivi dans le cadre de l’étude Cocolate
Crédit photo : Phanie

Plusieurs projets d’étude des symptômes persistants à distance de la phase aiguë
du Covid-19 sont en cours en France. Mais le travail s’annonce long et compliqué, compte tenu de l’abondance de présentations cliniques.

La recherche sur le Covid long se présente comme un écheveau à démêler. « On a différents groupes de personnes à identifier et étudier, constate le Dr Olivier Robineau, infectiologue au centre hospitalier de Tourcoing. On a des patients qui ont été hospitalisés et d’autres pas. Il faut commencer par caractériser ces gens, et voir ce qui les différencie des autres, identifier ce qui est lié au Covid et ce qui ne l’est pas ».

Le premier niveau de recherche est donc épidémiologique. Selon le Dr Yoann Gaboreau, médecin généraliste et maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes : « d’après les données d’autodéclaration des patients, la prévalence globale des symptômes persistants se situerait autour de 13 % à un mois et 4,5 % à deux mois, puis 2,5 % à trois mois ». Mais la répartition des symptômes est encore imprécise et dépend en partie des méthodologies de recueil. Les différentes séries (1,2,3) s’accordent néanmoins sur la prééminence de la fatigue (environ deux tiers des cas), des symptômes respiratoires (entre 15 et 31 %) et des troubles psychologiques, en particulier anxiété et syndrome dépressif.

Plusieurs cohortes françaises

« Il faut rechercher les liens statistiques entre les symptômes et voir s’il y a des associations plus fréquentes chez les anciens malades du Covid que dans la population générale », explique le Dr Robineau. Les chercheurs travaillant sur le post-Covid vont s’appuyer sur les données de 300 000 personnes colligées par le projet Inserm Sapris-Sero, croisées avec celles de la cohorte hospitalière French Covid-19 et d’une autre de patients Covid-19 suivis en médecine générale. Finalement, 60 000 patients de Sapris-Sero seront suivis régulièrement, dont 25 000 à 30 000 auront des sérologies. Par ailleurs, un millier de patients atteints de Covid long sera aussi suivi dans le cadre de l’étude Cocolate.

L’étude Coper sera aussi mise à contribution. « Des études translationnelles vont être menées pour questionner les causes possibles sur le plan physiopathologique, qu’elles soient immunitaires, psychologiques, inflammatoires ou virales, détaille le Dr Robineau. Nous allons faire des prélèvements biologiques et proposer des questionnaires très précis à un nombre plus restreint de patients et aux cliniciens qui les suivent ». Un volet sociologique est prévu pour évaluer le ressenti des médecins, des patients et de la société vis-à-vis de cette pathologie.

Les premières descriptions cliniques de patients souffrant de symptômes en lien avec un Covid proviennent de publications chinoises datant de l’été dernier. Pour le Dr Gaboreau, « la défaveur socio-économique, les maladies chroniques étaient identifiées comme des facteurs de risque », explique-t-il. Les publications récentes laissent entrevoir des symptômes très hétérogènes qui « ont la particularité de fluctuer dans le temps sur plusieurs semaines ou mois avec des alternances de phases asymptomatiques et des moments plus marqués », complète le Dr Gaboreau.

Quatre hypothèses à explorer

Actuellement, quatre pistes sont explorées pour expliquer les symptômes observés après un Covid-19 : un processus inflammatoire prolongé, la persistance du virus, une cause psychologique et les troubles somatoformes. « Il y a quelques éléments de preuve limités en faveur d’une possible persistance du virus, explique le Dr Robineau. Mais quoi qu’il en soit, il est certain que les patients chez qui les symptômes persistent ne sont plus contagieux ».

L’association de patients « Après J20 » est partie prenante de ces programmes de recherche. « Il y a trois thèmes majeurs rapportés par les patients qui doivent être explorés, explique sa présidente Pauline Oustric. Il y a d’abord eu une forte psychiatrisation de ces symptômes, qui peuvent être réversibles grâce à la recherche. Il y a ensuite le retentissement physique et mental de ces symptômes prolongés et pour finir l’impact sur la vie, l’emploi et les proches ».

Elle déplore le manque de communication et d’investissement sur ces problématiques. « Les Américains et les Anglais ont engagé respectivement 2 milliards de dollars et 20 millions de livres sterling sur la recherche contre le Covid long ! ».

(1) S. Mandal et al. Thorax, novembre 2020, volume 76, n°4
(2) M. Bellan et al. JAMA Network Open, janvier 2021. doi:10.1001/jamanetworkopen.2020.36142
(3) C. Huang et al. Lancet, janvier 2021, volume 397, n° 10270, p220-232

D. C.

Source : Le Quotidien du médecin