Les files d’attente des centres MDM s’allongent

Dégradation alarmante de l’état de santé des plus démunis

Publié le 18/10/2012
Article réservé aux abonnés

MÉDECINS du monde (MDM) s’alarmait l’an dernier du « krack sanitaire » que fut 2010, sur fonds de krack boursier. Les chiffres 2011 de l’observatoire de l’organisation non-gouvernementale, tirés des 21 CASO confirment la détérioration de l’accès aux soins des plus démunis.

« Nous observons en 2011 une dégradation alarmante de l’état de santé des plus précaires et l’augmentation des inégalités », indique le Dr Jean-François Corty, directeur des missions France.

L’activité des CASO a augmenté de 7,6 % entre 2011 et 2010, et de plus de 17 % depuis 2008. Le nombre de consultations médicales accuse, lui, une progression de 5,2 % depuis l’an passé. « Nous sommes arrivés au seuil jamais atteint de 41 000 consultations par an, avec des files d’attente importantes, où l’on est obligé de distribuer des bouts de papier », dénonce le Dr Thierry Brigaud, président de MDM.

Ces centres reçoivent les plus précaires : près de 99 % des patients se situent sous le seuil de pauvreté, 72 % n’ont pas de logement fixe, et 12,2 % sont des mineurs, un chiffre identique à celui de l’an dernier et qui a presque doublé depuis 2008, malgré leur droit à un accès inconditionnel au système de soins. « Nous avons un rôle de plus en plus substitutif alors que ces enfants devraient être reçus dans le droit commun », regrette le Dr Brigaud.

Beaucoup de ces précaires repoussent les soins. Ainsi, 45 % des femmes enceintes accusent un retard de suivi de grossesse et 38 % des patients auraient dû être soignés plus tôt. Ils étaient 24 % en 2010. Leur état de santé en est d’autant plus affecté : 12 % souffrent d’une maladie grave et dans plus de 40 % des consultations médicales, une prise en charge des affections de plus de 6 mois est nécessaire.

AME et PASS à revoir

« Depuis l’alternance de mai 2012, quelques signes positifs sont apparus mais il faut aller plus loin », estime le Dr Corty. MDM entend faire entendre ses revendications lors de la conférence contre la pauvreté et les exclusions, prévue les 10 et 11 décembre, et « expliquer la réalité du terrain aux membres des administrations », selon les mots de Thierry Brigaud.

MDM souhaite d’abord l’intégration de l’aide médicale d’état (AME) dans la couverture maladie universelle (CMU), « pas si universelle car elle exclut et stigmatise les sans-papiers », tance le Dr Brigaud. L’enjeu est de faciliter les démarches administratives, synonymes d’obstacles pour plus de 20 % patients de MDM. En outre, près d’un tiers des personnes accueillies peinent à remplir le critère de résidence de 3 mois pour obtenir l’AME. Les communes manquent parfois à leur devoir : les centres communaux d’action sociale (CCAS) ne délivrent pas systématiquement les certificats. Le CASO de Saint-Denis, autorisé par le préfet, a acté 2 600 domiciliations en 2011. Aujourd’hui, le chiffre est tombé à 1 500. « Le CCAS de Saint-Denis a fait 2 000 domiciliations », explique Jeanine Rochefort, responsable de ce CASO.

Toujours en matière de droits, MDM souhaite voir le seuil de la CMU-complémentaire atteindre celui de pauvreté afin que les personnes touchant plus de 650 euros mais moins de 950 euros y aient droit.

MDM demande aussi le renforcement du dispositif de permanence d’accès aux soins de santé (PASS), disparate selon le territoire. Si à Paris, les PASS assurent leur mission dans des conditions acceptables, « à Rouen, le CASO reçoit 4 000 personnes par an, la PASS, 400 », critique le Dr Brigaud. La stabilisation des crédits issus des Missions d’intérêt général (MIG), la présence systématique de généralistes, et pas seulement de spécialistes, ainsi que des PASS mobiles pour le suivi des patients après leur hospitalisation sont des priorités, juge MDM.

Enfin l’ONG réitère ses revendications ciblées sur certaines populations : la suppression du délit de racolage, la mise en place des tests rapides d’orientation et de diagnostic (TROD) pour l’hépatite C et B, afin de les coupler avec les TRO VIH-Sida, l’autorisation des salles d’injection supervisée, et un moratoire sur les expulsions de Roms.

COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9177