Depuis la première publication de John Ayanian en 1991 dans le New England Journal of Medicine, la littérature sur les différences entre hommes et femmes face aux maladies cardiovasculaires s'est enrichie. Et en 2016, l'American Heart Association a publié pour la première fois un consensus sur l'infarctus du myocarde (IDM) chez la femme (1), qui souligne que malgré les très nets progrès des vingt dernières années, les maladies cardiovasculaires restent sous-étudiées, sous-diagnostiquées et sous-traitées dans la population féminine. En France, la mortalité par IDM a fortement diminué (moins 30 %) chez les hommes comme chez les femmes entre 2002 et 2012, et dans toutes les classes d'âge, mais le taux d'hospitalisation a augmenté de 20 % entre 2008 et 2013 chez les femmes de moins de 65 ans.
Cliniquement, l'analyse poolée de 7 registres portant sur 17 000 patients a confirmé des différences entre hommes et femmes : l'IDM survient plus tard (même si la proportion de femmes jeunes augmente), les femmes présentent plus de comorbidités comme le diabète ou l'HTA, elles sont moins souvent fumeuses et ont moins d'antécédents de revascularisation. « Chez les patientes de moins de 50 ans, 20 % sont diabétiques et 80 % fument », a précisé le Dr Manzo-Silberman. Les manifestations cliniques de l'IDM sont plus étendues, avec dans 70 % des cas des signes typiques comme la douleur rétrosternale, mais une association fréquente à des signes moins spécifiques ; nausées ou vomissements, fatigue, douleurs au niveau du cou ou du dos, ou encore baisse de l'appétit.
Un recours plus tardif au système de soins
Y a-t-il des différences en termes de prise en charge ? L'analyse poolée des registres retrouve un allongement du délai au traitement, supérieur de 15 minutes chez les femmes, mais liée à un appel plus tardif au système de soins. « Il y a donc une marge de progression dans l'information de la population », a noté le Dr Stéphane Manzo-Silberman. Les taux d'exploration et de reperfusion sont plus faibles, en tout cas dans les NSTEMI selon les données du registre danois. Pourtant, il n'y a pas de freins anatomiques à explorer et reperfuser les femmes, car les taux de succès sont équivalents à ceux rapportés chez les hommes. Les ordonnances de sortie comportent moins souvent de l'aspirine et autres antiagrégants plaquettaires, moins d'IEC et moins de statines et les femmes sont moins nombreuses que les hommes à suivre un programme de réadaptation. Leur pronostic est moins bon, avec un taux de mortalité hospitalière multiplié par 1,5. « Le sexe féminin est ainsi un facteur presque aussi péjoratif que le diabète », a rapporté le Dr Stéphane Manzo-Silberman.
Pour mieux caractériser l'infarctus de la femme jeune, un essai prospectif a été mis en place : 34 centres français participent à l'étude WAMIF, dont le principal objectif est de faire une analyse exhaustive et systématique des données cliniques et biologiques et des résultats des explorations morphologiques chez les patientes de moins de 50 ans admises pour un IDM.
D'après les communications des Drs Stéphane Manzo-Silberman (Paris)
et Renée Ventura-Clapier (Chatenay-Malabry). Session La théorie du genre : une réalité en cardiovasculaire
(1) Mehta LS et al. Circulation 2016;133:916-47
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