Anticoagulants et implantation de stimulateur cardiaque

Les arrêter ou pas ?

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Publié le 07/12/2017
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hématomes

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Crédit photo : DR P. MARAZZI/SPL/PHANIE

En 2013, les résultats de l’étude BRUISE CONTROL avaient montré que, lors de l’implantation d’un PM ou d’un DAI, le maintien d’un traitement par antivitamine K (AVK) est associé à un moindre risque d’hématome au site d’implantation (12 hématomes chez 343 patients, 3,5 %) que l’arrêt de l’AVK avec un relai par héparine et reprise secondaire de l’AVK (54 hématomes chez 338 patients ; 16,0 % ; RR : 0,19 ; P < 0,001). Ce résultat était concordant avec ceux d’une étude dénommée BRIDGE, parue en 2015, et ayant enrôlé 1 884 patients devant avoir une chirurgie non cardiaque. Le risque de l’arrêt des AVK est celui du risque hémorragique lors de l’association héparine-AVK dans l’attente d’un INR supérieur à 2.

Depuis ces études, les AOD ont été mis à disposition et les stratégies à adopter en cas d’implantation de PM ou DAI chez des patients sous AOD au long cours justifiaient d’être évaluées. Ce fut la raison ayant conduit à mener l’étude BRUISE CONTROL-2. Sa spécificité, compte tenu de la demi-vie courte et du délai d’action très rapide des AOD, a été d’évaluer une stratégie de maintien du traitement versus une stratégie d’arrêt court, sans relai par une héparine.

Une étude évaluant l'arrêt de l'AOD

L’essai thérapeutique contrôlé BRUISE CONTROL-2 a été conduit en simple aveugle, chez 590 patients devant avoir une implantation de PM ou de DAI et recevant un AOD au long cours. Les patients étaient randomisés entre un maintien du traitement par AOD, y compris le jour de la chirurgie, ou un arrêt transitoire de l’AOD. Dans ce dernier groupe, les patients ne recevaient pas les deux dernières doses d’AOD (rivaroxaban, apixaban ou dabigatran) avant la chirurgie (dans un délai dépendant de la fonction rénale pour le dabigatran), puis reprenaient le traitement par AOD au moins 24 heures après la chirurgie.

L’hypothèse évaluée était une diminution du nombre d’hématomes cliniquement significatifs (critère primaire) en arrêtant les AOD. Un hématome cliniquement significatif était défini comme un hématome prolongeant l’hospitalisation ou nécessitant d’interrompre l’anticoagulation ou nécessitant une évacuation. Les patients enrôlés, âgés de 74 ans, avaient un score CHA2DS2-VASc à 3,9 et 17 % avaient un antécédent d’AVC ou d’accident ischémique transitoire (AIT).

L’incidence des hématomes a été identique dans les deux groupes comparés (2,1 % ; p = 0,973) quel que soit le critère retenu pour qualifier l’hématome de cliniquement significatif. Aucune différence significative n'a été constaté entre les groupes concernant les AVC ou AIT, les hémothorax et la mortalité.

Des risques d'hématomes similaires

D'après les commentaires de cette étude, il semblerait donc possible soit de maintenir les AOD (par exemple, en situation d’urgence), soit de les arrêter (par exemple, en cas de risque hémorragique élevé) lors de l’implantation d’un PM ou d’un DAI. Cette conclusion est simple et pratique mais se heurte aux limites importantes de cette étude.

En effet, l’étude évaluait une hypothèse de supériorité avec un calcul de puissance justifiant l’enrôlement de 846 patients. D’une part, cet essai négatif a échoué à démontrer la supériorité, d’autre part, il a manqué de puissance. De ce fait, aucune des deux stratégies n'est associée à un risque non-inférieur d’hématome et encore moins à un risque équivalent d’hématome.

On peut simplement avancer que les risques observés sont similaires, concernant le risque d’hématome. Aucune conclusion n’est permise au sujet des autres risques potentiels associés aux stratégies évaluées, comme par un exemple une potentielle augmentation du risque d’hémopéricarde ou d’hémothorax en cas de maintien des AOD ou du risque d’AVC ou de phlébite et embolie pulmonaire lors de leur arrêt transitoire.

Ainsi, si les implications pratiques avancées au terme de cette étude paraissent séduisantes et simples, elles ne peuvent être considérées comme parfaitement fiables.

Cardiologue, Clinique Villette (Dunkerque)
Birnie D et al. Pacemaker of defibrillator surgery without interruption of direct oral anticoagulants: BRUISE CONTROL 2 (a randomized controlled trial of continued versus interrupted oral-anticoagulant at the time of device surgery). Late breaking science, 12 novembre 2017, Anaheim

Dr François Diévart

Source : Le Quotidien du médecin: 9625