Angioplastie coronaire en cas de fibrillation atriale

Trois choix antithrombotiques

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Publié le 01/12/2016
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Les patients ayant une fibrillation atriale (FA) et une angioplastie coronaire avec stent courent plusieurs risques : celui lié à la FA, représenté par les embolies, notamment cérébrales, celui de la maladie athérothrombotique : infarctus du myocarde et AVC et celui lié au stent, qui est la thrombose de stent et donc le risque d’infarctus.

Les anticoagulants oraux diminuent le risque embolique lié à la FA et les antiagrégants plaquettaires (AAP) diminuent les risques de la maladie athérothrombotique et ceux liés aux stents. L’association de ces divers antithrombotiques (anticoagulants oraux et AAP) paraît donc utile chez ces patients et est même recommandée pendant les 1 à 12 mois suivant l’angioplastie pour ne laisser après 12 mois que le traitement anticoagulant oral.

Quels sont les risques hémorragiques respectifs de différentes associations possibles d’antithrombotiques dans cette situation clinique ? C’est à cette question qu’a voulu répondre l’étude PIONEER AF-PCI (OPen-label, randomized, controlled, multicenter study explorIng twO treatmeNt stratEgiEs of Rivaroxaban and a dose-adjusted oral vitamin K antagonist treatment strategy in subjects with Atrial Fibrillation who undergo Percutaneous Coronary Intervention).

L’étude PIONEER AF-PCI est un essai thérapeutique contrôlé, randomisé conduit en ouvert chez 2 124 patients ayant une FA et traités dans les 72 heures précédant la randomisation par une angioplastie coronaire avec stent. Durant ce délai, les investigateurs devaient décider de la durée prévue d’une double antiagrégation plaquettaire (DAP) comprenant de l’aspirine et du clopidogrel, soit 1, 6 ou 12 mois.

Les patients ont été randomisés pour recevoir pendant 1 an un traitement par :

1) soit du rivaroxaban à 15 mg/j associé à du clopidogrel à 75 mg/j (groupe R15/C75) : ce groupe a donc reçu un seul antiagrégant plaquettaire pendant 1 an, quel que soit le type de stent coronaire et que les patients aient eu un syndrome coronaire aigu ou une maladie coronaire stable ;

2) soit du rivaroxaban à 2,5 mg deux fois par jour associé à une DAP à la durée antérieurement prévue (groupe R2,5/DAP) : ce schéma reproduit celui usuel de la DAP en cas de stent mais utilise de très faibles doses de rivaroxaban sans indication validée en France ;

3) soit un AVK à dose ajustée pour maintenir un INR (International Normalized Ratio) entre 2 et 3 associé à une DAP (groupe AVK/DAP) : schéma thérapeutique usuellement proposé et recommandé bien qu’ayant un faible niveau d’évaluation.

Le critère principal de jugement était les hémorragies TIMI, majeures et mineures.

Un résultat homogène quel que soit le schéma de rivaroxaban utilisé

À l’inclusion, les 2 124 patients étaient âgés en moyenne de 70 ans et 68 % ont eu au moins 1 stent actif.

Cette étude apporte trois enseignements principaux.

En premier lieu il est possible de réduire le risque hémorragique en utilisant du rivaroxaban à dose faible ou moyenne (et dans ce second cas, sans recourir à l’aspirine) plutôt qu’un AVK associé à une DAP : ainsi, au terme du suivi moyen de 12 mois, il y a eu significativement moins d’hémorragies (critère primaire) dans chacun des groupes ayant reçu du rivaroxavan que dans le groupe sous AVK, soit

1) groupe R15/C75 vs groupe AVK/DAP : HR : 0,59, IC95 % : 0,47-0,76 ; p < 0,000013 et

2) groupe R2,5/DAP vs groupe AVK/DAP : HR : 0,63 ; IC 95 % : 0,50-0,80 ; p < 0,00018.

En deuxième lieu, si cette étude n’avait absolument pas la puissance pour comparer les stratégies thérapeutiques en termes de prévention respective des événements emboliques et ischémiques, elle apporte une relative assurance d’effets comparables. Ainsi, il n’y a pas eu de différence significative entre les groupes concernant la survenue des AVC et des thromboses de stents mais leurs faibles nombres ne permet pas de comparaisons fiables (AVC : 7 à 10 par groupe ; thromboses de stents : 4 à 6 par groupe).

Enfin, cette étude indique fortement que les stratégies reposant sur le rivaroxaban apporteraient un bénéfice clinique pertinent par rapport à celle fondée sur les AVK : ainsi, dans une analyse complémentaire rétrospective, il y a eu significativement moins de décès CV et de réhospitalisations à 1 an dans chacun des groupes sous rivaroxaban que dans le groupe sous AVK, soit groupe R15/C75 vs groupe AVK/DAP : HR : 0,79, IC95 % : 0,66-0,94 ; p = 0,008 et groupe R2,5/DAP vs groupe AVK/DAP : HR : 0,75 ; IC 95 % : 0,62-0,90 ; p = 0,002.

Et un choix ouvert

Les médecins sont maintenant confrontés à un choix entre 3 stratégies antithrombotiques lors de la première année suivant une angioplastie avec stent chez des patients ayant une FA et justifiant d’un traitement anticoagulant.

Le schéma R15/C75 a l’avantage de la simplicité faisant qu’au terme des 12 mois de traitement, le clopidogrel est arrêté et le rivaroxaban augmenté à 20 mg/j. En cas de crainte de thrombose de stent, certains préféreront potentiellement le schéma R2,5/DAP mais la dose de 2,5 mgx2/jour de rivaroxaban n’est pas distribuée en France et n’a pas d’indication validée. Enfin, certains choisiront de rester sur un schéma classique AVK/DAP craignant une moindre efficacité des deux autres schémas sur le risque thrombo-embolique, mais avec alors le risque d’une augmentation des hémorragies.

Gibson CM et al. N Engl J Med. 2016; DOI:10.1056/NEJMoa1611594.

Dr François Diévart

Source : Le Quotidien du médecin: 9539