Dr Anne Geffroy-Wernet (Snphare) : sur la permanence des soins à l'hôpital, « nous n'avons aucun signe de vie du ministère »

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Publié le 28/08/2023
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Les mesures transitoires de revalorisation des gardes décidées en juillet 2022 avec l'ancien ministre de la Santé François Braun – et reconduites depuis – doivent s'arrêter le 31 août. Or, le nouveau ministre Aurélien Rousseau n'a pas totalement rassuré les acteurs sur la pérennisation de ce dispositif et les autres mesures d'attractivité. La Dr Anne Geffroy-Wernet, présidente du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi aux autres spécialités (Snphare) s'alarme de cette situation de flou. 

LE QUOTIDIEN : Pourquoi êtes-vous inquiète au sujet de la poursuite du dispositif de revalorisation de la permanence des soins à l'hôpital ?

Dr ANNE GEFFROY-WERNET : Le dispositif devait être transitoire et s'arrêter à la fin de l'été 2023. Il avait été mis en place dès juillet 2022 par François Braun. Au départ, il s'agissait de doubler l'indemnité de sujétion des gardes. Cette idée provenait d'un rapport que nous avions réalisé avec Action Praticiens Hôpital (APH). Avec les arbitrages de la mission flash, les montants ont été ramenés à 1,5, soit une augmentation de 50 %. L'objectif était, à terme, d'inscrire cette hausse dans un grand chantier de la permanence des soins.

Ce dernier a été très attendu, depuis, par les acteurs, jusqu'à l'arrivée d'un calendrier de négociations fin mars 2023. Mais en juin dernier, ces dernières ont été interrompues, faute d'accord entre le ministère de la Santé, Bercy et la Première ministre. Ensuite, on a changé de ministre, et enfin le rapport de l'Igas sur la permanence des soins en établissement est sorti au début de l'été.

Quels ont été les premiers contacts avec le nouveau ministre de la Santé, cet été ?

Alors que la situation sur le terrain a été affreuse, nous ne disposons à ce jour d'aucun calendrier pour ouvrir le chantier de la permanence des soins qui comporte certes le volet rémunération, mais pas que. Il ne faudra pas nous faire le coup d'éluder tous les autres sujets qui vont autour !

C'est inquiétant : alors que les syndicats comme les intersyndicales de praticiens n'ont cessé de relancer le ministère, il ne nous a été donné aucun signe de vie. Nous ne comprenons pas ce silence du nouveau ministre. Et pourtant, il faut traiter ce sujet très vite car les patients ont des pertes de chance, avec des prises en charge très tardives aux urgences et dans les services. Ce n'est satisfaisant pour personne, les jeunes praticiens s'en vont.

Vous allez attendre à nouveau la date fatidique du 31 août ?

Oui. Dans l'urgence, il faudra que l'arrêté sorte et qu'il contienne cette fois les astreintes médicales qui avaient été oubliées par le précédent ministre. Tout devra être mis sur la table également pour que les métiers à permanence des soins restent attractifs à l'hôpital.

Par exemple, nous souhaiterions que le samedi matin soit enfin valorisé. Pourquoi certains services ont-ils des obligations de permanence des soins sur des durées de 48 heures, voire davantage ? Pourquoi n'existe-t-il pas de décompte horaire précis du temps de travail des praticiens ? Est-il raisonnable de faire des gardes de 24 heures ou de 48 heures d'affilée ou des semaines de 70 heures ? Bref, si un cadre réglementaire n'est pas instauré au niveau national, les praticiens n'auront pas les moyens de se défendre au sein de leurs services.

Le rapport de l'Igas sur la permanence des soins n'a-t-il pas contribué à mettre la pression sur l'exécutif ?

Il aurait permis d'alimenter les négociations mais il est malheureusement sorti au début de l'été, au plus mauvais moment. Il devait sortir fin avril… Le problème aussi avec ce rapport est que les intersyndicales ont été consultées, mais pas les syndicats de spécialités. Or, il n'est pas possible d'ouvrir ce chantier sans consulter toutes les parties prenantes.

Pire, il y a eu de la part de l'exécutif une espèce de pensée magique pour essayer de rassurer la population en racontant pendant tout l'été que l'hôpital tenait alors que c'était faux.


Source : lequotidiendumedecin.fr