Hémorragie aux urgences et au bloc

L’Italie face au défi de l'intérim médical

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Publié le 29/04/2019
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Des départements fermés par manque de personnel, des urgences engorgées et des concours annulés par absence de candidats.

De l’autre côté des Alpes, la santé publique est en pleine déprime. « Plus personne ne veut travailler en hôpital, notamment dans les urgences, les horaires sont impossibles, les salaires ne bougent pas et les risques d’erreur en raison du surmenage deviennent de plus en plus importants. Recruter dans ce contexte est devenu une mission quasiment impossible », confie un directeur hospitalier sous le manteau. « Depuis 2010, nous avons perdu environ 10 000 médecins et 50 000 infirmiers, si l’hémorragie continue, le système public ne sera plus en mesure de garantir la continuité des soins. Les assurés, ceux qui en ont les moyens, se retourneront de plus en plus vers le privé, les autres devront s’arranger » assène pour sa part le Dr Carlo Palermo, secrétaire national de Anaao Assomed, l’association italienne des médecins et des dirigeants de la santé publique.

Pas un choix, une nécessité

Pour éviter le pire, c'est-à-dire la fermeture dans les régions les plus touchées par le manque de blouses blanches, les centres hospitaliers se tournent vers les agences d’intérim. Ainsi, à Turin, les services des urgences de deux hôpitaux publics ont signé un contrat avec une agence d’intérim spécialisée dans le médical. L’accord a été souscrit la semaine dernière par les directions des deux centres hospitaliers et l’agence Medical line consulting, dont le siège social est implanté à Rome et qui propose les services de cinq cents praticiens intérimaires. Selon les termes de l’accord signé pour une période de trois ans, les praticiens intérimaires devront effectuer chaque année quelque deux mille heures dans les services des urgences turinoises. « Nous avons un véritable problème démographique, nous manquons cruellement de médecins et dans certaines régions, la situation est catastrophique, en particulier en ce qui concerne les radiologistes et les anesthésistes. Recruter à travers une agence d’intérim n’est pas un choix mais une nécessité », se défend Valerio Fabio Alberti, directeur général du centre de sécurité sociale de Turin. Soit, mais cette solution provoque des tensions chez les syndicats qui dénoncent un ultérieur appauvrissement du système. « Ce type d’approche qui remet en question le système contractuel des professionnels de santé appauvrit la médecine. Si les hôpitaux ne sont plus capables de recruter normalement le personnel médical et se retournent vers les agences d’intérim, cela veut dire qu’il y a un problème » assène le Dr Paolo Candoli du syndicat FIMMG (Fédération italienne des médecins généralistes).

Entre 600 et 720 euros pour 12 heures de travail

L’accord signé entre les directions hospitalières et l’agence d'intérim prévoit le versement d’un chèque de 342 000 euros versés en trois tranches annuelles. La rémunération des médecins sera de 50 euros net de l’heure. Dans d’autres régions et selon le type de contrat signé entre l'hôpital et la structure d’intérim, la rémunération brut peut passer à 60 euros de l’heure. « Un médecin intérimaire placé par une agence coûte entre 600 et 720 euros pour douze heures de travail consécutif, ces médecins "volants" ne sont pas soumis à l’horaire européen, ils peuvent aller au-delà de l’horaire normal. Certains réussissent à gagner entre 4 000 et 6 000 euros brut par mois », a récemment confié le Dr Antonio Compostella, directeur du centre de sécurité social de Rovigo (Nord) à la presse italienne. Le débat ne fait que commencer. 

 

De notre correspondante à Rome Ariel F. Dumont

Source : Le Quotidien du médecin: 9745