Questions autour de l'objectif de 70 % fixé pour 2022

Chirurgie ambulatoire : faut-il aller plus loin ?

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Publié le 13/05/2019
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Est-ce bien réaliste, et même raisonnable, de poursuivre à tout prix l'objectif du gouvernement d'atteindre 70 % de taux de recours national en chirurgie ambulatoire en 2022, contre 58 % aujourd'hui ?

C'est la question iconoclaste que deux députés médecins généralistes de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale (MECCS) ont posée la semaine dernière aux représentants de l'assurance-maladie (CNAM) et de la Haute autorité de santé (HAS).

Autorisée en France depuis 1992, la chirurgie ambulatoire est définie par un temps d’hospitalisation inférieur à 12 heures, sans nuitée. En augmentation constante depuis dix ans, cette pratique connaît un tassement relatif dans sa croissance depuis trois ans (57,8 % 2018 contre 55,9 % en 2017 et 54,1 % en 2016), au point d'interroger sur le cap fixé par l'exécutif.  

Accompagnement serré

Le taux de 70 % fixé à l'horizon du quinquennat est-il un totem ? Du côté de l'assurance-maladie, le volontarisme reste de mise. « C'est un objectif ambitieux car cela implique de basculer près d'un million d'actes chirurgicaux d'ici à 2022 en ambulatoire, a admis Annelore Coury, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins à la CNAM. Mais cela répond aux attentes des patients et des professionnels de santé. Il faut donc maintenir un accompagnement très serré de ces derniers et des établissements pour y parvenir. »

Au sein des hôpitaux, la CNAM relève des signes encourageants qui rende le taux de 70 % « atteignable », veut croire le Dr Annie Fouard, responsable du département de l'hospitalisation : la préparation périopératoire du patient « beaucoup plus importante », la multiplication de programmes de réhabilitation rapide après chirurgie (RRAC), le développement d'une organisation interne des hôpitaux et de la formation des médecins ad hoc. Mais d'autres voix jugent que la France a déjà pris trop de retard pour atteindre cet objectif. 

Trou noir

Sceptiques sur la pertinence médicale d'une accélération des pratiques ambulatoires à marche forcée, les Drs Nadia Ramassamy (LR, La Réunion) et Marc Delatte (LREM, Aisne) ont reproché à la CNAM d'avoir une vision biaisée de la chirurgie ambulatoire, fondée sur des impératifs budgétaires plutôt que sur des preuves scientifiques des bénéfices pour le patient. Le gouvernement attend l'an prochain 210 millions d'euros d'économies grâce au virage ambulatoire (qui va au-delà de la seule chirurgie).

« Après une chirurgie ambulatoire, que se passe-t-il ? Y-a-t-il déjà eu des décès? Des complications? On parle d'êtres humains, là, pas de voitures, et on ne sait rien, c'est un trou noir ! », a jeté le Dr Ramassamy lors des auditions. Elle a réclamé un bilan chiffré des patients ayant souffert de complications et de douleurs post-opératoires non-anticipées, avant de poursuivre la conquête effrénée du taux de 70 %. Pour cette même élue, « l'humanité à l'égard des patients, la sécurité de la prise en charge et la qualité des soins ne sont pas des variables d'ajustement mais doivent être au cœur de la chirurgie ambulatoire ». « L'échec de la chirurgie ambulatoire, c'est la réhospitalisation à deux ou trois jours, qui pose des questions de coopération entre la ville et l'hôpital », a enchéri son confrère LREM. 

La HAS avait révélé fin 2018 plusieurs écueils dans la pratique chirurgicale ambulatoire, à la lumière d'une enquête de satisfaction des patients opérés. Cruciale dans les opérations sans nuitée, la qualité de la sortie post-chirurgicale reste insuffisante pour 68 patients sur 100. 20 % d'entre eux ne savent pas qui appeler en cas de besoin et seuls 41 % des dossiers contiennent une lettre de liaison, document qui devrait être systématique. 

Manque de données

La CNAM le reconnaît : il n'existe quasiment pas de données médico-économiques sur l'aval d'une chirurgie ambulatoire et les réhospitalisations précoces. Mais sur la cholécystectomie, le développement du taux d'ambulatoire (à 40 %) « ne s’accompagne pas d’un renchérissement des soins de ville », souligne Ayden Tajahmady, adjoint au directeur de la stratégie des études et de statistiques de la CNAM. La dépense moyenne par patient est moins élevée qu'en hospitalisation complète (moins gourmande en IJ et en soins infirmiers). 

A défaut d'avoir des indicateurs comparatifs sur les jours immédiats suivants les sorties d'hôpital, les chiffres de 2015 de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) démontrent que le taux de réhospitalisation sur les séjours chirurgicaux à un mois est de 7,4 % en ambulatoire, soit deux fois moins qu'en hospitalisation complète. Des arguments pour les avocats d'une accélération sur la route de la chirurgie ambulatoire.

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin: 9749