Michel Chassang ne transigera pas sur la convention

Publié le 23/09/2011
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LE QUOTIDIEN – Au lendemain de la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), alors que la nouvelle convention est sur le point d’être publiée mais que le secteur optionnel vacille, avec en ligne de mire la présidentielle…, la CSMF ouvre cette année ses Universités d’été dans un contexte inédit. Dans quel état d’esprit pensez-vous trouver vos troupes ?

Dr MICHEL CHASSANG – La période est effectivement très particulière. Nous voilà exactement un an après les élections aux URPS [unions régionales des professionnels de santé] pour lesquelles, en faisant campagne, nous avions fait deux promesses. Un : nettoyer la loi Bachelot, via un projet de loi à l’Assemblée nationale, de tout son contenu de mesures plus vexatoires les unes que les autres vis-à-vis de la médecine libérale. Deux : signer une convention assise sur un certain nombre de principes et sur un programme défini avec un syndicat ami, le SML. Un an plus tard, où en est-on ? La loi Fourcade a été votée – même si la RCP reste un sujet à résoudre en raison de la décision du Conseil constitutionnel ; nous avons changé de ministre ; une convention a été signée en juillet. Nous avons – et c’est une satisfaction – tenu nos engagements.

Sur la convention précisément, n’êtes-vous pas tenté, comme le syndicat « ami » que vous citez, de parler de « marché de dupe » ?

Nous venons de signer, c’était il y a un mois ! Bien sûr qu’apparaissent des difficultés mais notre signature est une signature de combat. Maintenant, il va falloir se battre bec et ongles avec l’assurance-maladie pour faire en sorte que toutes les dispositions – et pas seulement certaines, j’insiste – soient bien mises en œuvre. Je pense en particulier à la réforme des consultations, à la mise en place du secteur optionnel et à l’instauration du P4P [paiement à la performance]. À une encablure d’une élection présidentielle majeure, nous ferons tout – je dis bien « tout » – pour que la santé soit au cœur de la campagne.

Vous évoquez le P4P. Êtes-vous certain que le concept passe bien du côté des médecins ?

Il s’agit d’une révolution. Il reste beaucoup de pédagogie à faire. Le P4P, ce n’est pas la reprise de l’ancien CAPI, c’est un système radicalement différent. D’abord, ce n’est plus la caisse qui choisit le médecin – c’est le médecin qui choisit d’y aller ou non, ceci à n’importe quel moment. Le médecin choisit également librement à l’intérieur des indicateurs proposés ceux qui l’intéressent. Pour peu qu’il obtienne des résultats, il est rémunéré et j’ajoute que nous avons prévu, afin de ne pas laisser de côté ceux qui auront des difficultés à atteindre les objectifs, de rétribuer aussi les médecins qui partent de très bas mais qui progressent. Et puis, à la différence du CAPI, le P4P sera ouvert à tout le monde, pas seulement aux généralistes – il est d’ores et déjà prévu que dans un second temps, il soit proposé aux pédiatres, aux endocrinologues, aux cardiologues et aux gastros. Le dispositif retenu, mélange des P4P anglais, californien et australien, est très original. C’est un tournant majeur dans notre système de soins.

Redoutez-vous de voir surgir des mesures désagréables pour les médecins dans le PLFSS 2012 ?

Ce PLFSS, on nous l’annonce extrêmement serré, avec un ONDAM [objectif national des dépenses d’assurance-maladie] à + 2,8 %, inférieur à ce qu’il était l’année précédente. Ceci même si – n’en déplaise à la Cour des comptes dont le discours depuis dix ans prend des allures de ritournelles – la médecine de ville, dans les clous, n’a jamais fait d’efforts aussi importants. Il est à cet égard scandaleux que l’ONDAM de ville soit invariablement inférieur à celui de l’hôpital… Nous abordons néanmoins le nouveau budget de la Sécu avec sérénité : les médecins ne comprendraient évidemment pas, dans un contexte de stagnation voire de baisse de leurs honoraires depuis plusieurs années, d’être mis à contribution. Le gouvernement doit se garder de prendre toute mesure intempestive.

Jugez-vous possible que la question des dépassements d’honoraires, très à la mode en ce moment, s’invite dans les débats parlementaires ?

Je souligne d’abord que les dépassements d’honoraires, non pris en charge par l’assurance-maladie, n’impacte pas l’ONDAM. Ceci étant, les dépassements posent effectivement problème. D’abord parce qu’ils restreignent l’accès aux soins de certains Français ; ensuite parce qu’ils sont source d’inéquité à l’intérieur du corps médical – entre secteur I et secteur II ; enfin parce qu’ils constituent un frein au fonctionnement de notre outil de travail, en particulier en hospitalisation privée. Il faut donc trouver une solution. Et celle-ci réside dans la mise en place du secteur optionnel. L’affaire n’est pas neuve. Elle remonte à la convention de 1993 ! Elle a été reprise dans un protocole d’accord en août 2004 puis dans un protocole tripartite signé le 15 août 2009. En juillet dernier, le président de l’UNOCAM a paraphé une lettre d’intention et ce secteur optionnel est désormais inscrit noir sur blanc dans le texte conventionnel. Personne ne pourrait comprendre qu’il ne soit pas mis en place. J’appelle donc les mutuelles, si elles veulent jouer dans la cour des grands, à faire preuve de responsabilité et à respecter leurs engagements. J’ajoute que le secteur optionnel devra s’accompagner d’une remise à niveau de la valeur des actes par l’assurance-maladie.

On dit que le DPC pourrait être ficelé à la fin du mois d’octobre (« le Quotidien » d’hier). Y croyez-vous ?

Le DPC, c’est le sujet de la qualité de la formation. Il ne date pas d’aujourd’hui ! Mais comme sur bien des sujets, la loi Bachelot est, en la matière, mauvaise. Et il est extrêmement difficile, avec une mauvaise loi, de faire de bons décrets. Même avec la meilleure volonté du monde. Trois écueils dans la loi HPST : l’étatisation complète de la formation professionnelle des médecins ; le hold-up conventionnel (les fonds « formation » traditionnellement attribués à la convention iraient abonder un fonds commun, géré par l’État et les caisses) ; la gestion de la formation étendue à toutes les professions, sans possibilité de gestion individualisée. Nous essayons de redresser ces trois points mais le faire sans passer par un texte de loi me paraît très difficile.

Chaque année, la CSMF invite un « grand témoin » à ses Universités d’été. Cette fois-ci, il s’agit de Claude Évin, directeur de l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France. Pourquoi ce choix ?

La loi Bachelot, on l’aura compris, n’est vraiment pas ma tasse de thé. Ceci étant, elle a mis en œuvre la régionalisation de la gestion des risques et institué les ARS. Nous sommes pragmatiques. Les ARS sont en place et elles ont la charge de la médecine hospitalière et de la médecine de ville. Nous devons travailler avec elles. D’où cette invitation du directeur général de la plus grande ARS de France. Les médecins ont besoin de savoir comment ils vont travailler avec les agences, comment va s’articuler la politique nationale avec le niveau régional des décisions, comment la convention nationale pourra se décliner à l’échelon régional. Nous devons également savoir la place qu’accordent les directeurs d’ARS à la médecine de ville car nous avons sur le feu des sujets majeurs : la démographie et les fameux SROS ambulatoires, même s’ils ne sont pas opposables ; la permanence des soins. Sur ce second point, que l’on parle de PDS ambulatoire ou hospitalière (notamment sur la question de la mutualisation entre établissements publics et privés), notre sentiment est que règne pour l’instant le plus grand bazar !

 PROPOS RECUEILLIS PAR KARINE PIGANEAU

Source : Le Quotidien du Médecin: 9010