Avenir de la pédiatrie spécialisée de Trousseau

En attendant une réunion cruciale, la mobilisation continue

Publié le 10/06/2010
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L’AVENIR de l’hôpital Trousseau va se jouer dans les prochaines semaines. Ses praticiens restent mobilisés contre le transfert, envisagé par la direction, de la pédiatrie spécialisée vers Necker et Robert Debré. Le patron de la région, Jean-Paul Huchon, est venu mercredi leur apporter son soutien. Sa rencontre avec une vingtaine de professionnels, majoritairement des médecins, se déroule à la maternité. Ce n’est pas la première puisque le président (PS) du conseil régional de l’Ile-de-France a déjà visité l’hôpital avant sa réélection en mars.

Le Pr Noël Garabédian, président du Comité consultatif médical (CCM) de l’hôpital, rappelle les faits : « En trois ans, le déficit de Trousseau a chuté de 60 % et 113 emplois ont été rendus, soit 8 % de l’effectif. C’est le plus gros effort d’efficience de l’AP-HP [Assistance publique-Hôpitaux de Paris]. Nous avons été saignés à blanc. Ce n’est plus une infirmière pour six malades qu’il y a à Trousseau, mais une pour dix à douze. Impossible d’aller plus loin sans menacer la sécurité. » Une femme médecin intervient, désolée : « Un bébé qui a une tumeur devait être opéré aujourd’hui. Il ne le sera que lundi car il n’y a pas assez de personnel au bloc. En attendant le petit bonhomme est là, et il respire comme il peut. »

Le projet pour un « nouveau Trousseau » défendu localement comprend trois bâtiments, dont un neuf. Sa construction entraîne une bataille de chiffres. « Des bruits ont circulé faisant état de 300 millions d’euros. C’est faux. On demande 75 millions d’euros », rectifie le Pr Garabédian. À Trousseau, personne ne comprend le projet de la direction. « On va se retrouver avec une grosse maternité isolée à l’attractivité nulle pour les anesthésistes réanimateurs », fait valoir ce praticien. « Transférer la pédiatrie spécialisée [vers Necker et Robert Debré, NDLR] tout en laissant sur place 7 000 accouchements et 46 000 urgences, ça n’a aucun sens médical », assène le Pr Garabédian, de retour d’un congrès international. « Tous mes collègues américains étaient au courant de ce qui se passe à Trousseau. Ils ne comprennent pas, et sont scandalisés. »

La région prête à un geste.

Le Pr Albert Bensman en est persuadé, une campagne de désinformation a été fomentée pour détrousser Trousseau. « L’information remontée aux tutelles fait état d’une suroffre et d’un excès de lits à Trousseau. C’est faux. »« Le ministère et l’Élysée s’appuient sur des collègues », avancent les médecins massés dans la petite salle. Tous craignent que la copie ne soit déjà écrite. « Ça va être très difficile de revenir en arrière, c’est pourquoi il est urgent que le conseil régional s’exprime », insiste le Dr Daniel Annequin, porte-parole du collectif de défense de Trousseau.

Jean-Paul Huchon opine du chef, prend des notes. Dans une heure, il a rendez-vous avec Nicolas Sarkozy au sujet du grand Paris. « Je vais lui en toucher un mot », glisse-t-il. Jean-Paul Huchon promet une « sortie publique voyante » courant juin pour alerter l’opinion sur le cas Trousseau. Il assure avoir les coudées franches sur le dossier, davantage que Jean-Marie Le Guen, président sortant du conseil d’administration du CHU, et autre élu socialiste à siéger au conseil de surveillance de l’AP-HP. « Je rentre à l’AP-HP avec l’intention de faire bouger les choses », prévient Jean-Paul Huchon. La région serait prête à aligner entre 10 et 50 millions d’euros pour appuyer Trousseau. « La gauche suivra, la droite aussi », assure Jean-Paul Huchon. Une femme intervient, sceptique, et évoque « le lobby de Necker », « les appuis de l’Élysée ».

L’agence régionale de santé fait office de planche de salut. « Si Claude Évin donne son feu vert, c’est bon », dit un spécialiste. Mais l’optimisme est ténu. Les équipes de Trousseau redoutent la réunion du comité d’experts pédiatriques le 18 juin, persuadés que la direction générale en attend un quitus pour démanteler Trousseau. À la CME du 8 juin, le DG de l’AP-HP, Benoît Leclercq, est apparu très ferme face aux médecins. D’aucuns soupçonnent qu’il a reçu les assurances de l’Élysée, où il a été reçu tout récemment, pour mener à son terme son plan stratégique. « Notre position, ce n’est ni de l’archaïsme, ni du patriotisme de site. Nous ne nous battons pas pour nous, mais pour l’accès aux soins », conclut Noël Garabédian.

DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8788