Hôpital : la commission d'enquête du Sénat réclame un choc d'attractivité et davantage d'autonomie pour les soignants

Par
Publié le 31/03/2022

Crédit photo : Senat

Il y a « urgence à redonner à l’hôpital ses marges de manœuvre et d’autonomie, à le libérer des contraintes qui lui ont été imposées (...) et à redessiner sa juste place au sein du système de soins », a recommandé ce jeudi Catherine Deroche (LR), rapporteuse de la commission d’enquête du Sénat sur l’hôpital, présidée par Bernard Jomier (PS).

Après quatre mois de travaux et d'auditions, celle-ci a présenté ses conclusions dans un rapport de… 295 pages, autour de trois axes : redonner de l’attractivité aux métiers ; octroyer les moyens de la confiance ; fluidifier le système de soins pour désengorger l’hôpital. Un « électrochoc » est nécessaire, résume le Sénat. 

Prioritaire, le premier axe vise à remédier au malaise des soignants « au bout du rouleau, en grande souffrance », soumis à des injonctions contradictoires, a jugé Catherine Deroche. Si le Ségur a été vécu comme un nécessaire « rattrapage » par les professionnels, le « saupoudrage » de ces mesures au fil des années 2020 à 2022 et « leur extension sans réflexion d’ensemble et par à-coups » auront généré « une amertume qui ne tarit pas », épingle le rapport. De nombreux personnels s'estiment toujours oubliés des avancées. Et de citer l’exemple des PH nommés avant le 1er octobre 2020 qui exigent toujours l’octroi de quatre ans d’ancienneté, à la suite de la suppression des trois premiers échelons de la grille.

Revaloriser la permanence des soins

Pour redonner de l’attractivité aux métiers, le rapport recommande que l’on reconnaisse à leur juste valeur les contraintes des professionnels concernés. Les heures supplémentaires et le temps de travail additionnel (TTA) doivent être « mieux pris en compte et encadrés », la permanence des soins en établissement « revalorisée », et les indemnités compensatrices du travail de nuit et de week-end méritent d’être « rehaussées et revues plus fréquemment ».

La commission demande aussi une politique robuste de qualité de vie au travail. À cet égard, le bilan de l’observatoire national de la qualité de vie au travail des professionnels de santé et du médico-social (ONQVT, créé en 2018) n’est pas flatteur, selon Catherine Deroche qui a évoqué la démission récente de trois experts, car « aucune suite n’a été donnée à leurs préconisations »

Le soin, cœur de métier

Sur ces bases, il convient de « remettre le soin au cœur des métiers hospitaliers », plaide le rapport qui pointe la vétusté des équipements, une charge de travail excessive, et, surtout, « un manque de temps médical et soignant auprès des patients ».

Côté ressources humaines, la commission mise sur les secrétaires médicales et les techniciens pour« libérer médecins et soignants de tâches chronophages ». Quant aux effectifs d’infirmiers et d’aides-soignants, ils doivent être significativement renforcés afin d’améliorer les ratios « patients par soignant ». Pour y parvenir, des seuils critiques ajustés sur les activités des établissements devraient être définis. La commission avance aussi des mesures sur les carrières hospitalières dont l’accès facilité à la formation continue, les passerelles entre professions et des possibilités accrues de reconversion.

Autonomie accrue

Le deuxième axe vise à redonner les moyens de la confiance. Pour les sénateurs, cela passe par une liberté et une autonomie accrues accordée aux acteurs hospitaliers, et donc une « décentralisation » de la décision. Or, si le renforcement récent des compétences de la commission médicale d’établissement (CME) va dans le bon sens, il faudrait aussi doter les présidents de CME « des moyens matériels et humains pour exercer leurs prérogatives ». La médicalisation de la gouvernance reste un enjeu central. 

Autre proposition dans la même veine : assurer davantage de souplesse et de proximité dans la gestion hospitalière. Selon la commission, « la constitution des pôles n’étant plus systématique, elle doit répondre à une réelle pertinence ». Il est essentiel de renforcer le pouvoir des équipes, « en assurant une meilleure prise en compte de leurs projets et en accordant à celles qui le souhaitent une réelle marge d’autonomie ».

Sur ce point, les sénateurs ont loué l’exemple du CH Valenciennes, où la gestion médicale décentralisée fait ses preuves. Cette expérience démontre « les bénéfices d’un fonctionnement plus ascendant, d’une forte implication des équipes médicales et soignantes et de circuits de décision plus courts et plus réactifs »

Révision de la T2A

Enfin, la commission appelle à « tourner rapidement la page du "tout T2A" » et à accélérer l’expérimentation d’un nouveau modèle de financement des activités MCO. Quant à l'Ondam (objectif national de dépenses d'Assurance-maladie), sa construction « comme norme de dépenses (...) doit être revue ». « L’Ondam est fixé à partir d’une règle budgétaire et pas d’une analyse des besoins de santé », s'est agacé Bernard Jomier. Cette règle budgétaire « n'est plus comprise pas les soignants ».


Source : lequotidiendumedecin.fr