« La productivité, d’accord… mais pour quoi faire ? »

Face aux travaux de la Cour des comptes, même les plus ouverts à la transparence de l’activité médicale à l’hôpital, même les moins hostiles à l’arrivée de certaines règles de l’entreprise dans les établissements publics, se grattent la tête.

« Calculer la productivité des médecins, à titre personnel, ça ne me choque pas et, plus que cela, je pense qu’il est nécessaire d’en parler, explique le Dr François Aubart, président de la CMH (Coordination médicale hospitalière). Beaucoup de mes confrères jugent que productivité et qualité des soins sont antagonistes. Bien sûr que le pas qu’il ne faut pas franchir avec le genre de ratio qu’établit la Cour des comptes, c’est de tourner au stakhanovisme, au productivisme. Mais sans vouloir marginaliser les dérives, sans vouloir non plus donner valeur d’exemples à des situations locales, il y a, c’est vrai, des anomalies parfois choquantes. » Et après ?

Pour le Dr Rachel Bocher, qui préside l’INPH (Intersyndicat national des praticiens hospitaliers), c’est bien là qu’est la question : « Si la finalité de l’exercice, c’est de rentabiliser l’activité médicale dans le cadre de la T2A, de faire de l’abattage, cela devient très gênant. En face des chiffres de la Cour des comptes, il faut considérer le statut des médecins hospitaliers. Si ceux-ci ne faisaient rien de leur journée, y aurait-il 20 % de postes vacants ? » Le Dr Aubart convient, lui aussi, de la difficile utilisation qui peut être faite des statistiques de la Cour. Il prend le cas des blocs opératoires qu’il connaît bien. « C’est très compliqué. S’il suffisait de dire " le Dr Machin ne fiche rien, il va au golf " – et certains directeurs imaginent qu’il s’agit là de l’alpha et de l’oméga de la problématique –, la recette serait toute trouvée. Mais la bonne marche d’un bloc ne repose pas sur un seul chirurgien. La productivité est une offre d’équipe, un engagement collectif. »