Après la présentation du plan santé 2022

La réorganisation territoriale tourneboule la profession

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Publié le 24/09/2018
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L'ampleur de la réorganisation territoriale des soins annoncée par l'exécutif a surpris médecins libéraux et hospitaliers, comme l'a illustré une rencontre des Contrepoints de la santé. 

D'ici au 1er juillet 2021, la médecine de ville s'articulera autour de 1 000 communautés professionnelles de territoire (CPTS). À l'hôpital, les soins de premiers recours devront reposer avant 2022 sur un maillage de 500 à 600 hôpitaux de proximité labellisés, pensés dans une logique de gradation – avec en second et troisième niveaux des soins spécialisés (médecine, chirurgie, obstétrique) et ultra-spécialisés (plateaux techniques de pointe). 

Les libéraux devront s’organiser collectivement pour assurer une permanence de soins non programmés de jour – jusqu’à 20 heures. Côté exercice et statut, priorité à la mixité ville/hôpital, symbole du « et en même temps » macronien. À ce titre, 400 postes de généralistes à exercice partagé, salariés par un hôpital de proximité ou un centre de santé seront financés l'an prochain pour combler les déserts médicaux. Aujourd'hui, seuls 5 766 médecins généralistes ont une activité mixte, soit 6,6 % de l'ensemble de l'effectif. 

Opportunité pour la HAD, les cliniques...

Cette nouvelle charpente sanitaire a été plutôt bien accueillie par les leaders syndicaux du secteur. Adepte du décloisonnement, le Dr Élisabeth Hubert y voit une nouvelle opportunité pour l'hospitalisation à domicile, dont elle préside la fédération (FNEHAD). L'ancienne ministre apprécie aussi la recherche de pertinence des soins. «Un hôpital pouvait déjà être mis sous accord préalable s'il enregistrait une proportion trop élevée d'hospitalisation conventionnelle en lieu et place d'une HAD mais ce dispositif n'était pas utilisé. Avec cette réforme, le principe de pertinence à l'hôpital est posé : on est au summum ! »

La relance des hôpitaux de proximité est une autre satisfaction, y compris pour les cliniques. « Maltraité » par la précédente équipe, Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), salue le « reconditionnement » des petits hôpitaux « à la qualité insatisfaisante ». Il voit dans cette nouvelle carte sanitaire une porte ouverte vers la création de cliniques de proximité. « Cette réforme, tout le monde va y aller ! ».

Lassé de voir les patients « faire l'essuie-glace » entre la ville et l'hôpital, le Dr Jean-Paul Ortiz est lui aussi positif. « Les hôpitaux de proximité, c'est le chaînon manquant, le lieu de rencontre entre les deux mondes ! » Le président de la CSMF est plus réservé sur la construction des CPTS. Sortir d'une « médecine individuelle, voire individualiste » pour « assumer une responsabilité collective territoriale », oui. Se voir imposer des « obligations individuelles » comme les tours de garde, non. Le SML a déjà mis en garde contre le risque de dérive « étatique » (forfaits, gardes), tout en soutenant l'esprit de la réforme.    

« Bien joué, Emmanuel Macron ! »

Des zones d'ombre demeurent sur la nouvelle donne territoriale. « CLIC, PAERPA, MAIA et réseaux… On en fait quoi ? s'interroge le Dr Antoine Perrin, directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers privés non lucratifs (FEHAP). Le maillage territorial ne repose pas uniquement sur la médecine. On verra l'efficacité de ce plan au rapprochement avec le médico-social et la prise en charge des populations fragiles ! »

La question du lien avec les groupements hospitaliers de territoire (GHT) et leur tête de pont, les 32 CHU, fait débat. Le Dr Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), craint qu'à trop cajoler les petits hôpitaux, on en oublie le rôle fondamental des grands dans la recherche et la formation. « Je dis : Bien joué, Emmanuel Macron ! On ne parle plus que de l'hôpital local alors qu'on fête les 60 ans des CHU ! » Quant aux mesures visant à améliorer l'attractivité des carrières, malgré quelques nouveautés (reconnaissance des valences, indemnités aux chefs, retour du service), le compte n'y est toujours pas... 

 

 

 

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin: 9688