Baisse des tarifs, bénéfices sous surveillance

Les cliniques MCO dans l'étau des économies

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Publié le 17/05/2016
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En 2015, le nœud de la corde était déjà bien serré pour les cliniques privées. Cette année, la carotide est comprimée. Qu'en sera-t-il en 2017 ?

Réunis la semaine dernière en convention annuelle, les représentants des 550 cliniques MCO (court séjour) adhérentes de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) ont dénoncé avec force les effets du « plan d'austérité » imposé par l'exécutif pour économiser dix milliards d'euros en trois ans (2015/2017) sur les dépenses maladie (dont trois pour le secteur hospitalier dans son ensemble). 

Depuis le vote de la loi de santé et la redéfinition du service public hospitalier, les cliniques éprouvent un sentiment d'ostracisme, voire de relégation, que les deux dernières campagnes tarifaires négatives (2015 et 2016) n'ont fait que renforcer.  

Plusieurs mesures de la loi Touraine ont contribué à un durcissement du positionnement des cliniques vis-à-vis du gouvernement. L'obligation faite aux cliniques de reverser à l'État une part de leurs bénéfices jugés déraisonnables (décret à venir) a contribué à l'exaspération. Quant aux futurs groupements hospitaliers de territoire (GHT), les cliniques y voient de potentielles « armes de guerre » susceptibles de marginaliser le privé à la faveur d'une captation de clientèle vers les hôpitaux publics.    

Or, le secteur est déjà fragilisé. « Une clinique MCO sur trois est dans le rouge et nous avons vu nos tarifs baisser de 6 % en deux ans : ça va être compliqué de tenir une année de plus », prévient Lamine Gharbi, président de la FHP, qui dit « n'attend[re] plus rien de ce gouvernement ».

Face à la chape de plomb, plusieurs stratégies

Courbant l'échine sous le poids de la « chape de plomb budgétaire » dénoncée par Ségolène Benhamou, aux manettes de la FHP-MCO, le secteur privé lucratif s'interroge sur les choix à faire pour ne pas précipiter les fermetures d'établissement.

Sur le terrain, les groupes de cliniques ont adopté une stratégie différente selon leur ADN et leur taille. « Nous avons décidé de dégager des économies en agissant sur le volet médical, a développé Philippe Durand, directeur général du groupe Capio, lors de la convention de la FHP-MCO. Développée depuis cinq ou six ans, la récupération rapide après chirurgie (RRAC) nous permet de faire face à la baisse de tarifs de ces deux dernières années. » Cette prise en charge place le patient (très informé et le plus mobile possible) au cœur d'un parcours de soins protocolisé à outrance.

Pour réduire ses coûts, le groupe, précurseur en la matière, parie aussi sur la chirurgie ambulatoire appliquée aux opérations lourdes. Il y a deux semaines, l'équipe de cardiologie interventionnelle de la clinique du Tonkin, à Villeurbanne (Rhône), a ainsi remplacé une valve aortique en ambulatoire. Une première en France.

Réductions de lits et de personnels

La réalité est sensiblement différente pour le groupe régional de cliniques 3H, en Pays de la Loire. Les cinq cliniques ont dû réduire de 10 % leur parc hôtelier (60 lits en moins depuis 2013). Elles ont aussi serré la ceinture côté ressources humaines et opté pour la polyvalence des équipes. « Nous accompagnons les aides-soignantes vers le métier d'infirmières », indique le directeur général Alain Foltzer.

Yvan Saumet a pour sa part « très mal vécu » la campagne tarifaire 2015, véritable « coup de massue » portée à la Polyclinique de Blois (groupe indépendant Hôpitaux privés du Val-de-Loire), dans le Loir-et-Cher. Le PDG a divisé par deux le nombre de lits MCO depuis la création de l'établissement, en 2006. Entre 2015 et 2016, la baisse tarifaire a fait perdre à la clinique 1,5 million d'euros (sur un chiffre d'affaires de 36 millions). Désormais, Yvan Saumet veut croire en l'avenir grâce à l'ambulatoire. Pour optimiser ses chances, la clinique se dotera d'un plateau autonome consacré à l'ophtalmologie.

 

 

 

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin: 9496